Les médias au Québec : État de situation
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Date: 21 mai 2015Auteur: Daniel Nadeau
Le Conseil de presse du Québec a tenu, les cinq premiers mois de l’année 2008, une tournée de consultation dans les 17 régions administratives du Québec auprès des citoyens, des représentants des groupes socio-économiques et des artisans des médias. Si l’on en croit le mot d’introduction du président de l’époque, Raymond Corriveau, cette tournée du Conseil de presse du Québec a permis au Conseil d’écouter dans un plus grand respect : « 200 organismes socio-économiques qui ont consulté leurs membres et qui sont venus exposer leur point de vue sur l’état de l’information au Québec et plus de 250 citoyens qui ont exprimé leur opinion personnelle. Dans cette grande tournée, le Conseil a reçu 30 mémoires, tenu 31 rencontres à huis clos, 17 assemblées publiques et reçu 167 questionnaires sur l’état de l’information » (p. 3, L’état de la situation médiatique au Québec – L’avis du public)
Que nous dit cet état de situation?
- L’accès à l’information locale est grandement tributaire de la densité de la population. Plus la taille de la population est petite, moins il y a de médias;
- Dans les plus petites régions, ce sont les médias communautaires, souvent sous-financés, qui assurent la couverture de la vie locale et régionale. Ils y jouent un rôle prépondérant. Les médias communautaires sont réputés être indépendants par rapport aux intérêts économiques;
- On note la faiblesse des médias locaux, insuffisance de journaliste, professionnalisme questionnable, budgets restreints;
- Le marché publicitaire, modèle dominant du monde médiatique québécois, est souvent trop petit pour soutenir plusieurs médias locaux. La concurrence est très vive;
- Les nouvelles locales des grands centres urbains sont passées sous silence. Cela est d’autant plus vrai pour les grands centres urbains en périphérie de Montréal comme Laval et Longueuil.
En ce qui concerne la presse hebdomadaire, les participants à cette vaste consultation du Conseil de Presse du Québec sont d’avis que la presse hebdomadaire fait des efforts louables pour assurer une couverture locale et régionale de qualité. Néanmoins, la presse hebdomadaire fait l’objet de plusieurs critiques :
- Le territoire de couverture des hebdomadaires est souvent très vaste. Il en découle une situation où des parties importantes de territoires de régions sont délaissées ou négligées. Cela a souvent des effets délétères sur le sentiment d’appartenance de ces populations envers tel ou tel hebdomadaire;
- Ces failles dans la couverture régionale entraînent des coûts supplémentaires à plusieurs organismes socio-économiques les obligeant à multiplier les conférences de presse sur plusieurs parties du territoire et à acheter de la publicité pour transmettre des informations;
- On s’inquiète des conflits d’intérêts de la part des journalistes et des propriétaires des médias qui seraient souvent impliqués dans des activités incompatibles avec l’obligation d’une information honnête et objective tout particulièrement dans la sphère économique et politique;
- On note aussi de nombreuses faiblesses éditoriales dans la presse hebdomadaire notamment le contenu superficiel, simpliste, spectaculaire, sensationnel et négatif. L’absence de traitement journalistique adéquat par l’habitude de repiquer le contenu des communiqués de presse et la faiblesse de la couverture du monde culturel. On déplore aussi la faiblesse de la couverture des dossiers controversés, l’absence d’éditoriaux et de textes d’opinion et le manque de diversité des voix.
On retrouve aussi de nombreuses critiques quant à l’information régionale. On s’entend sur l’importance d’un quotidien régional. Un quotidien régional est vu comme un facteur majeur d’amélioration de l’information et contribue directement au sentiment d’appartenance régionale.
- On déplore aussi la faiblesse de l’information radiophonique et tout particulièrement le rôle des animateurs caustiques qui nuisent selon eux à la cohésion sociale d’un milieu. On dénonce le repiquage ou le piratage des médias écrits par les radios régionales;
- On a aussi de sévères critiques quant au contenu simpliste et superficiel, la trop grande importance accordée aux faits divers par rapport aux dossiers de fond, le sensationnalisme, l’Information-spectacle, le manque d’indépendance, la faiblesse des contenus éditoriaux et la sous-couverture des sous-régions;
- Pour les médias électroniques, on a les mêmes critiques que pour les radios soit le piratage des médias écrits, le désintérêt des journalistes pour plusieurs sujets, le manque d’émission d’affaires publiques, le manque d’émissions culturelles, l’absence de contenu national et international vu de l’angle régional;
- Enfin, les médias nationaux ont droit au même type de critique. Il s’y ajoute cependant les questions d’accès et de disponibilité dans plusieurs régions compte tenu de la qualité de l’accès à Internet et de la distribution des quotidiens écrits dans les régions éloignées;
- On s’attaque tout particulièrement à la notion de nouvelles qui est attaquée de toutes parts. Un malaise profond est exprimé. La qualité de l’information, aux dires de plusieurs intervenants, est affectée par le sensationnalisme, la préséance à couvrir des événements chocs, spectaculaires et négatifs, le manque d’équilibre, le manque de profondeur, le manque de mise en contexte et de perspective historique, l’uniformisation des contenus des médias, l’absence de suivi et la faible préoccupation de remettre la nouvelle en contexte;
- On dénonce aussi l’autopromotion des médias dans les bulletins d’information;
- On remet en question avec beaucoup de virulence la logique marchande des médias au détriment de l’information, le manque de journalistes spécialisés et on s’inquiète de la prolifération des radios-poubelles et le manque d’encadrement des animateurs polémistes;
- Enfin, pour les participants à cette consultation, la présence de canal d’information continu équivaut à un nivellement par le bas et banalise l’information au profit du spectaculaire.
Bref, comme on peut le constater en parcourant ce rapport de 2008 du Conseil de presse du Québec sur l’état des médias, plusieurs problèmes sont soulevés par la population quant à ses médias. Cela bien avant l’arrivée de Pierre Karl Péladeau en politique. La question qui tue : qu’ont fait les différents gouvernements péquistes et libéraux pour prendre acte de la situation et pour améliorer les choses? Cette constatation constitue à elle seule un puissant outil de décryptage pour comprendre la mise en scène que nous prépare le gouvernement Couillard dans sa commission parlementaire pour étudier les liens entre le chef du PQ PKP et le groupe Québécor et à nous présenter cela comme un nouveau problème pour la qualité de l’information dans une société libre et démocratique comme la nôtre…