Communication politique 101
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Date: 12 juin 2015Auteur: Daniel Nadeau
En mars denier, j’ai publié une chronique dans le journal EstriePlus qui évoquait les défis pour les femmes et les hommes politiques de communiquer dans un monde profondément transformé par les nouvelles technologies de l’information. J’ai cru utile de publier à nouveau aujourd’hui ce texte sous forme de billet dans le blogue de Nadeau Bellavance. Il reflète bien en synthèse mon propos de la semaine concernant la transformation du métier de professionnel de relations publiques.
Le bon docteur Bolduc a quitté la politique dans le déshonneur : champion des gaffes médiatiques. Qu’il ait été ou non un bon gestionnaire de la santé, qu’il ait eu une vision originale et porteuse pour notre système de santé importe peu. On ne se souviendra que de certains faits : ses indemnités, sa réaction relativement aux livres dans les bibliothèques scolaires et de sa déclaration quant au respect qui doit être démontré pour la fouille à nu d’une adolescente dans une école secondaire. Est-ce juste ou injuste? La question n’est pas vraiment importante. Ce qui importe c’est que le monde politique est un univers hyper médiatisé et que ses protagonistes doivent en maîtriser tous les leviers pour espérer y survivre et pour y faire carrière.
Dire cela c’est une chose, mais l’autre question que nous devons nous poser est la suivante : est-ce que nos attentes envers nos femmes et nos hommes politiques sont justifiées? Voulons-nous vraiment être représentés par des communicateurs éprouvés ou désirons-nous plutôt que des femmes et des hommes honnêtes tentent de leur mieux de guider notre société vers une notion d’un bien commun et d’une meilleure vie pour tous? Là est la question. Cherchons à comprendre le monde de la communication politique…
Un monde nouveau
Pierre Elliot Trudeau et René Lévesque sont parmi tous les hommes politiques québécois, peut-être faudrait-il ajouter le nom de Lucien Bouchard, qui nous ont laissé le souvenir de grands communicateurs. Or, le monde dans lequel ont évolué ces hommes politiques n’est plus. Nous vivons aujourd’hui dans un monde fort étranger au leur. Au temps de Trudeau et Lévesque, on accordait beaucoup de respect à la politique et aux institutions. Les médias, que ce soit la télévision, la radio, les journaux et les revues, se sentaient honorés lorsque les femmes et les hommes politiques daignaient leur accorder une entrevue. C’était l’époque de la domination de l’écrit et les politiciens prêtaient beaucoup d’importance au contenu des articles des journaux et surtout des éditoriaux. C’est à cette époque que Claude Ryan exerçait son magistère d’homme d’influence puissant parce qu’il était à la direction du journal Le Devoir.
Aujourd’hui, nous vivons une tout autre époque. Les médias diffusent en continu que ce soit par les ondes, par leurs sites web ou par les médias sociaux. Ils rivalisent entre eux dans la course aux manchettes et à l’exclusivité. Ils s’intéressent autant au ton, aux non-dits qu’au contenu des propos tenus par les femmes et les hommes politiques. Ils donnent la parole au moyen de leur plate-forme Web à la population. La population elle-même n’est pas en reste et plusieurs deviennent des citoyens-journalistes qui créent de la nouvelle avec des contenus souvent inédits qui mettent rarement en valeur la classe politique. On n’a plus aucun respect pour les institutions et on ne reconnaît plus l’expertise des spécialistes préférant de loin la valeur symbolique de la parole citoyenne toute puissante. Aujourd’hui, loin d’être certain que les Bouchard, Lévesque et Trudeau seraient considérés comme de bons communicateurs politiques…
Nous vivons une époque où la spectacularisation des médias entraîne la classe politique à adopter soit la langue de bois ou le parler-vrai populiste à la Coderre et à la Labeaume. Et dire que nos chroniqueurs et journalistes s’étonnent de la volonté des gouvernements de se protéger en centralisant l’information, en donnant à tous leurs lignes de presse et en évitant de trop s’exposer à la torture des questions de la part des médias. Le cirque médiatique crée le cirque politique. La turpitude de la classe politique abreuve la médiocrité de nos médias. Est-ce vraiment cela que nous voulons?
Réhabiliter la communication politique
Si nous souhaitons que cela change, il faudrait de part et d’autre accepter de moduler nos attentes. Les premiers responsables sont les membres de la classe politique. Comment des gens intelligents peuvent-ils prétendre être assez habiles et « machiavéliens » pour prétendre une chose, dire son contraire et agir autrement? Le gouvernement libéral de Phillipe Couillard n’a jamais dit clairement que son premier objectif était de sabrer le modèle québécois et de remettre en cause de larges pans du fonctionnement de l’État québécois. Il nous a plutôt promis de relancer l’emploi et l’économie du Québec en faisant disparaître l’hypothèque de l’instabilité politique. Les gens, même si un grand nombre peuvent partager le souci de rigueur budgétaire du gouvernement Couillard, sont sceptiques devant le virage à 180 degrés du gouvernement sur ces questions. Pire encore, les gestes du gouvernement sont incohérents avec son message de rigueur. Pensons aux indemnités de départ des députés, aux réaménagements somptueux des bureaux de députés et de ministre et au voyage de six ministres en France dans la prochaine semaine.
Les oppositions, tant caquistes que péquistes, ne font pas mieux. L’ex-ministre des Finances du gouvernement Marois, Nicolas Marceau ne jugeait pas utile lorsqu’il était en poste d’avoir un directeur parlementaire du budget, mais aujourd’hui il en réclame un. Au pouvoir, les péquistes étaient favorables à l’exploitation du pétrole du Québec. De ces temps-ci, le PQ est plutôt contre. Quant à François Legault, il emprunte la voie populiste de la détestation de l’autre sur le dos des musulmans et dénonce chaque dépense du gouvernement comme du gaspillage.
Est-il étonnant que la population qui croit de moins en moins à la politique comme véhicule pour améliorer leurs vies et celles de leurs proches décroche?
Les médias quant à eux sont les principaux bénéficiaires de ce divorce du lien de confiance entre gouvernants et gouvernés. Ils en font leur pain et leur beurre. Le Journal de Montréal réalise des enquêtes hebdomadaires qui font état du gaspillage des fonds publics, la télévision met en scène le moindre dérapage de la parole politicienne et dans des images en boucle en continu fait parader maints experts qui viennent décortiquer le bon grain de l’ivraie. Les citoyens-spectateurs cherchent de plus en plus à devenir des acteurs et ajoutent leur indignation pour faire de cette mixture « les meilleurs shows en ville ». Nous avons le monde politique que nous construisons… Il faut rompre avec ces façons de faire pour changer la politique et pour changer notre monde…
Le contenu doit prédominer
Une vérité demeure cependant une loi universelle même dans le cirque d’aujourd’hui. La sincérité, l’honnêteté, la clarté des propos et des discours de ceux qui ont l’ambition de diriger nos destinées demeurent les ingrédients essentiels à des communications politiques efficaces. Il ne faut pas seulement se gargariser des mots de transparence et de participation citoyenne, mais il faut les intégrer dans les démarches de prise de décision collective. Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit demeure aujourd’hui la première loi du cours de communication politique 101…