Trouver le bon angle…
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Date: 3 juillet 2015Auteur: Daniel Nadeau
Le plus difficile du métier de spécialiste de relations publiques c’est de savoir trouver le bon angle à une nouvelle d’une organisation. Savoir donner un angle à une nouvelle n’est pas donné à tous. Cela demande à la fois une connaissance approfondie du monde des médias, du milieu culturel et demande aussi beaucoup de rigueur pour que l’angle trouvé ne se transforme pas chez le récepteur de la nouvelle, le journaliste le plus souvent, comme une tentative de manipulation ou comme une feinte ou une esquive pour cacher des faits au public.
La marge est mince entre trouver un bon angle et manipuler l’information. C’est ici que doit intervenir le professionnalisme du spécialiste de relations publiques. C’est tellement tentant d’esquiver la réalité en trouvant des faux-fuyants. Cela est d’autant plus tentant que les clients qui décident en dernière instance sont souvent les premiers à vouloir minimiser les mauvaises nouvelles et à exagérer les autres.
C’est cette tension dynamique entre la nécessité de dire toute la vérité et le désir d’une organisation de présenter son meilleur visage qui est à l’origine de la langue de bois si répandue dans le monde politique. Ainsi, un malentendant est une image beaucoup moins forte qu’un sourd pour le public. Même chose avec le terme militaire de dommages collatéraux. Le bombardement d’une école touchée lors d’une opération contre des cibles stratégiques qui fera des victimes parmi les enfants donnera lieu à l’utilisation des mots dommages collatéraux. Souvent, le porte-parole ajoutera que c’est une malencontreuse erreur, mais que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
Les mots choisis pour décrire une réalité ne donnent pas l’angle, mais ils en déterminent tout de même plusieurs facettes. Prenons un exemple fictif, si la ville de Sherbrooke est retenue pour être une ville-pilote afin d’expérimenter un plan d’évacuation en cas d’attaques nucléaires par le NORAD, lequel plan sera par la suite étendu à l’ensemble de l’Amérique, ce serait vu comme une bonne nouvelle.
Dans un tel cas, on parlera alors des investissements, de la venue de centres de recherche chez nous, des retombées économiques, des infrastructures qui pourraient nous être léguées au terme de l’expérience. Le communiqué de presse présentera cela comme une excellente nouvelle. Pourtant, un vrai professionnel interrogera son client ou son patron sur les conséquences du choix de Sherbrooke comme ville-pilote. Ce projet paralysera-t-il les activités normales de la ville, des entreprises, des citoyens? Pourrait-il y avoir des pertes économiques, des pertes de revenus, une moins grande qualité de vie pour les citoyens? Cela pourrait-il causer des dommages à notre environnement physique, etc.?
Si le professionnel de relations publiques ne pose pas ces questions et n’en tient pas compte pour déterminer l’angle de la nouvelle, il sera incompétent et ne rendra pas service ni à son client, ni à la ville. De toute manière, si le professionnel des relations publiques ne fait pas bien son travail de préparation, les journalistes s’empareront des éléments possiblement négatifs de cette nouvelle et ils réussiront plutôt à en détourner le sens.
L’angle de cette nouvelle devrait être : « Sherbrooke choisie comme ville-pilote, les autorités et les citoyens sont-ils prêts en à payer le prix ».
Une fois présentée de cette façon, il faudrait prévoir de l’information pour les différents groupes concernés, prévoir des espaces et des lieux pour recueillir leurs inquiétudes et leurs commentaires, fournir des réponses s’il y en a et, par la suite annoncer le projet comme étant un projet collectif. Ainsi, choisir le bon angle pour une nouvelle n’influe pas que sur les mots retenus ou encore sur la façon de dire les choses, mais aussi sur la nature même de la nouvelle et sur un plus grand partage du pouvoir décisionnel.
C’est cela la transparence et des communications bidirectionnelles symétriques. C’est la seule façon de faire des relations publiques aujourd’hui au 21e siècle.