Gouverner au 21e siècle
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Date: 3 septembre 2015Auteur: Daniel Nadeau
Dans un billet précédent sur ce même blogue, j’ai évoqué les changements structuraux qui se manifestent aujourd’hui lors des campagnes électorales. L’un de ces changements notoires est que de plus en plus la campagne électorale d’un parti s’appuie quasi exclusivement sur son chef.
Si des gens curieux s’intéressent à ces phénomènes, je vous recommande fortement la lecture de l’excellent livre de Joseph Daniel, spécialiste de la communication politique en France, publié en 2014 aux Éditions du Seuil à Paris. Ce livre intitulé La parole présidentielle, de la geste gaullienne à la frénésie médiatique, fait le portrait d’un demi-siècle de la métamorphose qu’a connu le paysage politique et médiatique français. La communication politique s’est profondément transformée. Ce qui est vrai pour la France ne l’est pas moins pour le Québec et le Canada.
Dans son livre Joseph Daniel prouve que le métier de gouverner n’est plus le même. Alors qu’il y a 50 ans, le pouvoir se caractérisait par son caractère transcendant et par une autorité incontestée dans un contexte médiatique où les médias rapportaient plus les propos des politiciens qu’ils ne le critiquaient. De nos jours, gouverner est une tout autre histoire. De nombreuses décisions aussi difficiles les unes que les autres doivent être prises par le chef du gouvernement chaque jour. Non seulement les décisions à prendre sont difficiles et complexes, mais le décideur doit tenir compte de nombreuses pressions, d’une critique ouverte de la part des médias et de leurs chroniqueurs et bien entendu de l’opinion publique.
Ces changements se sont opérés dans un contexte où la classe politique est largement discréditée et où la probité et l’efficacité de l’État est remise ne cause par de larges segments de la population. Nous vivons à l’âge du consumérisme politique et de la spectacularisation des médias.
Il ne faut donc pas s’étonner de voir les femmes et les hommes politiques jouer au plus fin avec les médias et les groupes de pression afin de conquérir la faveur de l’opinion publique à sa cause et à ses projets. Pas surprenant non plus que dans un tel contexte les communicateurs politiques de métier soient les plus influents conseillers du prince puisque nous vivons dans un monde de communication et de perceptions.
La situation s’envenime encore plus si l’on prend en considération l’émergence d’une démocratie d’opinions qui s’oppose à la vieille démocratie de représentation soutenue en cela par les réseaux sociaux. Ce combat propre à notre nouveau siècle met en présence le bon vieux système parlementaire et ses institutions ainsi que ses façons de faire, la cyberdémocratie avec sa déferlante 2.0 et une démocratie d’opinion nourrie par les lobbys de toute sorte.
C’est ce nouveau contexte où coexistent des modes différents de démocratie qui rend si difficile la gouvernance de nos États. La communication politique d’hier, dire, expliquer et convaincre n’a plus la côte. Nous sommes passés d’une démocratie d’une élite bien-pensante à une démocratie de participation. Les gouvernants doivent donc s’adapter à ce monde nouveau. Ils ne peuvent plus ignorer la logique de la démocratie représentative et ses éléments délibératifs pas plus qu’ils peuvent ignorer la logique de l’opinion, de l’impatience et du discrédit de toute la classe politique. Le vieil adage nous dit que « gouverner c’est prévoir » peut-être? Aujourd’hui, on serait tenté de dire que gouverner c’est aussi s’adapter au monde nouveau que représente la montée irrésistible de la démocratie d’opinion et de la démocratie représentative sous l’impulsion des nouveaux médias.
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