Le théâtre de Marcel Dubé
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Date: 25 avril 2016Auteur: Daniel Nadeau
C’est dans un relatif anonymat que l’on a célébré en fin de semaine les funérailles du dramaturge Marcel Dubé. Il est étonnant qu’un homme de théâtre qui a eu une si grande influence auprès de quelques générations de Québécois soit aussi oublié.
J’ai grandi avec le monde dramaturgique de Marcel Dubé. Adolescent, je rêvais de faire du théâtre et j’ai même écrit quelques pièces qui se révélaient à leur lecture avec le recul d’aujourd’hui des pastiches mal dégrossis de l’œuvre de Marcel Dubé. Enfant, j’ai aussi joué au théâtre dans le cadre des activités des terrains de jeux de la ville de Montréal et une année j’avais remporté le premier prix dans le cadre d’une pièce ou je jouais le rôle d’un Pierre Elliott Trudeau, premier ministre du Canada, sur la musique de Lindbergh de Robert Charlebois, accueillant les martiens au Canada.
Marcel Dubé était un géant de notre dramaturgie québécoise. Il a été, ce qui est moins connu, un artisan important de la prise de conscience par les Canadiens français de leurs malheurs et il les a aidés à développer une conscience de québécois. En dénonçant la débâcle de la morale bourgeoise dans son univers théâtral, il nous a aidés à combattre la peur et le silence.
Que ce soit avec Zone où le jeune Tarzan veut sauver le monde par la subversion sociale ou encore avec Un simple soldat ou une espèce de rebelle sans cause cherche à nous indiquer comment nous en sortir. Dans Bilan, Dubé mène la charge contre la bourgeoisie des professions libérales, des sous-sols de banlieues, de l’abus d’alcool et de la tricherie politique. Son œuvre aborde des sujets encore plus difficiles comme ceux de l’inceste et du viol dans Au retour des oies blanches. Enfin, dans Les beaux dimanches. Marcel Dubé remet en question la morale ambiante et hypocrite du couple, de la famille, de la bourgeoisie en faisant de son rebelle Étienne un militant à la Guevara, à la Mao et même à la René Lévesque.
À cet égard, l’œuvre théâtrale de Dubé est un révélateur de la prise de conscience des Canadiens français et s’inscrit dans le processus de notre libération et de la construction d’un éthos plus revendicateur qui émergeront dans les années 1970. On retrouve chez Marcel Dubé un sens profond de liberté.
Marcel Dubé fut l’un des grands de notre dramaturgie. S’il était encore des nôtres aujourd’hui, nul doute qu’il écrirait une pièce de théâtre qui chercherait à comprendre l’oubli qui nous sert de refuge et de bouclier protecteur. Un oubli qui frise le renoncement. Marcel Dubé et son œuvre sont aujourd’hui l’une des victimes. Dommage…