Même l’anthropologie s’intéresse à l’opinion publique
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Date: 24 août 2016Auteur: Daniel Nadeau
J’ai maintes fois écrit sur ce blogue des billets sur la nature, la signification, la portée et le fonctionnement de l’opinion publique. Concept central à la compréhension du monde dans lequel nous vivons en démocratie. J’y ai même consacré plusieurs billets consécutifs où j’ai partagé avec les lecteurs de ce blogue ma réflexion sur les origines de ce concept.
Je n’aurais jamais pensé cependant qu’en lisant un bouquin sur une réflexion philosophique sur la notion d’évolution et du progrès du point de vue de l’histoire de l’anthropologie sociale que je tomberais sur une nouvelle dimension de l’opinion publique liée aux sociétés « sans écritures ». C’est ce que je veux partager avec vous à la suite de ma lecture du livre d’Alain Testart paru chez Gallimard en 2012 et intitulé : Avant l’histoire. L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac dans la collection Bibliothèque des sciences humaines en 2012.
De quoi s’agit-il? Il s’agit d’une affaire de mœurs qui se déroule en terre australienne dans une société sans écriture. Affaire banale en soi pour notre époque. Une femme mariée a une liaison. Le mari tue l’amant. Les parents de l’amant tué veulent cependant mener une vendetta contre ceux qui ont assassiné leur fils et leur frère. Une justice que l’on appelle système vindicatoire dans ces sociétés. Or, les règles de vie de cette société permettent l’adultère dans la mesure où la femme mène cette activité loin de sa maison et qu’elle le fait durant ses activités de cueillette loin de la maison et qu’elle n’est pas forcée de le faire. Elle ne doit pas faire l’objet d’un enlèvement non plus. (Alain Testart, Avant l’histoire…, Paris Gallimard, 2012, p. 69).
Dans ce cas raconté par Elkin et cité par Testart, ce qui pose problème c’est le rôle de l’opinion publique. Lisons ce qu’en raconte Testart :
« Dans l’histoire racontée par Elkin, le mari avait retrouvé le ravisseur au bout de trois jours et l’avait tué avec la complicité de deux autres hommes. S’ensuivent alors de multiples discussions dans le campement; l’opinion est partagée sur la légitimité de cette mise à mort. Pourquoi? Personne ne conteste que la victime ait été l’amant de la femme; ce que l’on dit, c’est que l’enlèvement n’est pas attesté, que le mari aurait dû attendre plus longtemps avant de tuer. Il faut toujours attendre dans la vendetta, non pas seulement pour des raisons psychologiques, non parce que “la vengeance est un plat qui se mange froid” comme on dit, mais parce qu’il faut donner le temps à l’opinion publique de se former et de justifier l’entreprise de vendetta. » (Alain Testart, Ibid. p.70).
Qui aurait dit que l’opinion publique existait dans les sociétés sans écritures? Et plus encore, qui aurait dit qu’elle était partie prenante au système de justice et du système de réprobation sociale?
N’est-ce pas passionnant le sujet de l’opinion publique?
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