Le réveil de l’Amérique
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Date: 10 novembre 2016Auteur: Daniel Nadeau
Quel coup fumant! Donald Trump vient de sonner le réveil des Américains et, espérons-le, celui des démocraties libérales. Par sa victoire, d’une ampleur imprévue par tous les experts et analystes, Donald Trump a réussi à vaincre à la fois la dynastie des Bush et celle des Clinton. Il a vaincu le président Obama et mis au pas le parti républicain. Il doit sa victoire à la seule force de ses poignets. On doit s’incliner devant son succès.
Une analyse sommaire des résultats de cette élection démontre que Donald Trump a gagné grâce à l’appui du peuple américain. Même les femmes ont fait fi de ses déclarations sexistes pour voter massivement pour lui. Les membres de la classe moyenne, les blancs américains en colère, ont appuyé Trump massivement pour signifier qu’ils en avaient assez de la politique et de la classe politique que certains associent à des menteurs professionnels. Le gouvernement fédéral n’a jamais eu aussi mauvaise presse. Jamais la trahison des élites, pour reprendre l’expression du journaliste Chris Hedges, n’a été sanctionnée aussi sévèrement par la population américaine.
Tous, nous avons sous-estimé dans nos analyses l’ampleur de cette colère de la population envers leurs institutions, leurs élites et le capitalisme financier. Le cynisme des démocrates qui ont choisi Hillary Clinton malgré une réputation peu enviable auprès de larges segments de l’électorat a aussi contribué à l’élection de ce président atypique et populiste.
La défaite d’Hillary Clinton et des démocrates c’est surtout la défaire d’un monde cynique et manipulateur qui doit aujourd’hui prendre la mesure de la fin d’une époque. D’ailleurs, ce monde qui s’éteint est remplacé par un nouveau plein d’incertitudes où l’autorité ne compte plus, où tous les gens peuvent s’improviser experts et où le règne des médias sociaux vient ébranler les positions éditoriales si influentes d’hier des grands médias.
Que penser maintenant de demain?
Ce qui attend les Américains et le monde c’est beaucoup d’incertitudes. Les positions du candidat Donald Trump sont en porte à faux avec beaucoup de vérités d’hier. La libéralisation des échanges sera mise à mal par le désir du nouveau président de renégocier le traité de l’ALENA. La politique étrangère américaine sera redessinée à la fois par une volonté de repli, mais par une hargne nouvelle envers les États délinquants qui risquent de subir les foudres guerrières de Donald Trump. Si j’étais un immigrant aux États-Unis, latinos ou musulmans, je serais inquiet pour mon avenir. La politique d’immigration sera vraisemblablement revue et on assistera désormais à un mouvement où la réglementation de toute sorte sera allégée. Les impôts des riches seront diminués et l’Obamacare sera révoquée. Cerise sur le sundae, le nouveau gouvernement américain de Donald Trump cherchera à se donner une Cour Suprême plus conservatrice qui sera moins encline à reconnaître les droits des homosexuels, des noirs et des femmes pour l’avortement pour n’en nommer que quelques-uns.
Les États-Unis présenteront un visage différent, c’est certain, mais comme l’a dit hier le président Obama, le soleil continuera de se lever tous les matins. Le congrès et le Sénat, tous républicains sont-ils, seront de précieux points d’équilibre du pouvoir du nouveau président. Il n’est pas exclu que l’on assiste à une vigueur plus grande des groupes de la société civile, largement acquis aux démocrates, qui s’organiseront pour s’opposer aux politiques conservatrices du président désigné Trump.
Les États-Unis sont profondément divisés. L’économie mondiale qui favorise le 1 % contre les 99 % est plus inéquitable que jamais. Les conséquences des transformations de l’économie sont terribles pour plusieurs citoyens et le processus démocratique laisse place à beaucoup d’améliorations. L’élection de Donald Trump nous révèle tout cela. Ce que viennent de vivre les États-Unis risque de s’étendre à la France dans un proche avenir. Le Royaume-Uni a déjà donné avec le Brexit. Le monde se transforme, les réformes tardent à venir et c’est pour cela que Donald Trump a triomphé d’Hillary Clinton. Au Québec et au Canada, nous ne sommes pas à l’abri. Il serait temps d’y voir. Ce ne sont pas les commentateurs, les sondeurs et les experts qui prévoiront le coup. Ils ont largement démontré leur incapacité à anticiper ce qui vient de se passer aux États-Unis durant cette course à la présidence américaine. Moi le premier…
P. S. Pour celles et ceux que cela intéresse, une version plus élaborée de ce commentaire sera publiée mercredi prochain dans le journal Internet EstriePlus.