Les visages de l’intolérance
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Date: 7 mars 2017Auteur: Daniel Nadeau
Cette fin de semaine, les bulletins d’actualité des médias ont rapporté la tenue d’affrontements entre des groupes de citoyens sur la question de l’islamophobie et des droits des Québécois de souche. Parmi les groupes en cause, on retrouve les groupes d’extrême-droite La Meute et Pegida Québec. On y retrouvait aussi la Coalition canadienne des citoyens préoccupés. Le motif de cette manifestation était de dénoncer la loi 103 du Parlement du Canada. Le porte-parole de Pegida Québec, nous rapporte Ici Radio-Canada affirme : « M. Asgard estime qu’il est important de dénoncer “l’islamisation” de l’Occident en général et du Québec en particulier. “L’islam doit se réformer ou quitter l’Occident”, dit M. Asgard, qui se décrit comme un “patriote”. »
Devant ces groupes, on retrouve des militants-collégiens de gauche ou des militants de la ligue d’action antifasciste comme à Sherbrooke. Le quotidien de Sherbrooke, La Tribune, rapportait dans son édition du 6 mars que des affrontements verbaux ont eu lieu entre les groupes en présence.
Ce que cela fait ressortir, c’est qu’une toute petite manifestation d’intolérance ou l’affrontement de camps opposés sur une question aussi sensible fait l’objet de l’attention des médias. En soi, ces événements ne sont pas porteurs de grands bouleversements. Néanmoins, il est de plus en plus d’actualité de faire les manchettes avec les visages de l’intolérance qui n’ont rien ou si peu à voir avec la communauté dans son ensemble.
Ce qui est remarquable aussi dans cet événement c’est de voir apparaître au grand jour des groupes d’extrême-droite comme Pegida-Québec et la Meute avec leur porte-parole qui viennent distiller leurs propos haineux déguisés derrière de bonnes intentions et un semblant d’appui populaire. Tout cela est insidieux. Certes, ces gens ont droit à la même liberté d’expression que tous les autres citoyens. J’en suis. D’autant que les propos tenus publiquement par les porte-parole de ces groupes ne véhiculaient pas de propos haineux. À l’image de Charkaoui, ils savent comment s’exprimer pour ne pas être pris en défaut tout en étant clair pour leurs partisans.
Ainsi, quand on invite les musulmans à respecter nos traditions ou à s’en aller chez eux, on ne tient pas de propos, mais on incite d’autres personnes à l’intolérance. Personne n’a vraiment de réponse à ce musulman né au Québec et à qui on demande de retourner chez lui. Chez lui, c’est le Québec. Jadis, durant un débat sur les droits des nations autochtones, un auditeur en colère a déclaré que si les Indiens n’étaient pas contents, ils n’avaient qu’à retourner chez eux. L’animateur alerte a répondu à l’auditeur, mais chez eux c’est ici et c’est nous qui sommes chez eux. Pas le contraire. Malaise.
Tout cela pour dire que le traitement des médias de ces non-événements a pour effet d’attiser le feu de l’intolérance et construit des murs d’incompréhension. Pire encore, une certaine frange du mouvement nationaliste québécois associe l’ouverture à l’Autre, la compréhension de nos différences au multiculturalisme « canadian ». Même l’interculturalisme, concept bien québécois, ne trouve pas grâce à leurs yeux. Il faut cultiver les différences et combattre l’intolérance. Il faut aussi prendre part aux débats qui mettent en vedette nos nouveaux thuriféraires de l’intolérance et du repli sur soi afin de combattre ces idées que la majorité des nôtres ne partage pas. Mais comme je l’ai déjà écrit, le gouvernement du Québec a la responsabilité de clarifier les règles du jeu concernant les questions liées à la laïcité. Ce n’est pas vrai que le Québec a retrouvé la foi de ses ancêtres et que l’on mettra fin au mouvement de déchristianisation de la société québécoise au profit d’un débat sur un crucifix ou un autre.
Les nouveaux visages de l’intolérance sont lus plus que jamais dans l’espace public. Il faut les combattre.