Jean-Pierre Kesteman ou comment écrire Histoire avec un grand H
--
Date: 9 mars 2017Auteur: Daniel Nadeau
Aujourd’hui, des étudiants et des professeurs rendent hommage au professeur émérite et historien Jean-Pierre Kesteman. Ce sera un grand plaisir pour moi d’être présent. Parmi les gens qui prendront la parole pour témoigner à la mémoire de mon ami Jean-Pierre, on retrouvera l’étudiante Gabrielle Thériault et l’étudiants Rémi Guillemette. Les collègues professeurs Harold Bérubé, Louise Bienvenue, Guy Laperrière, Micheline Dumont, Peter Southam et l’historienne Monique Nadeau-Saumier. Une belle brochette de personnalités pour témoigner à la mémoire de Jean-Pierre Kesteman. Quant à moi, pour souligner l’événement, je vous propose de relire un texte que j’avais écrit en octobre dernier.
J’ai appris le 25 octobre 2016 le décès du professeur émérite Jean-Pierre Kesteman. Il fut mon professeur d’Antiquité au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke. Il m’a aussi fait découvrir le marxisme et V. Gordon Childe et ses concepts de révolution urbaine et de révolution néolithique. Il m’a aussi fait découvrir l’histoire du Canada sous des aspects neufs. La lecture de l’histoire canadienne de Jean-Pierre n’était pas banale. Plutôt que l’affrontement entre Français et Anglais, il nous décrivait la lutte des factions bourgeoises au sein de ce pays naissant. Le nationalisme était l’un des vecteurs de cet affrontement.
Jean-Pierre m’a aussi initié à l’histoire régionale et à l’histoire de Sherbrooke comme bien d’autres qui furent ses étudiantes et ses étudiants. C’est sous ses conseils que j’ai entrepris un long travail sur la municipalisation de l’électricité à Sherbrooke alors que j’étais étudiant au doctorat à l’UQAM avec Paul-André Linteau. J’avais à peine ébauché le sujet que Jean-Pierre en avait fait un livre. Il a aussi exploré le monde des médias au 19e siècle avec sa thèse sur l’histoire du journal Le Progrès et ses écrits sur le journal Le Pionnier, deux concurrents féroces à l’époque.
On retiendra surtout de lui sa colossale œuvre sur l’histoire de la ville de Sherbrooke qu’il a publiée pour le bicentenaire de la ville et dont l’ex-maire Jean Perrault était si fier. Jean-Pierre a beaucoup écrit sur la région des Cantons de l’Est dont son ouvrage rédigé en collaboration avec Peter Southam sur l’histoire des Cantons de l’Est publié dans la collection de l’Institut québécois de recherche sur les régions (IQRC).
Jean-Pierre Kesteman était une force de travail herculéenne. Une plume vive, alerte et toujours passionnante à lire. Un pédagogue hors pair et un orateur de tout premier plan. Ces dernières années, il a toujours été un guide avisé pour moi dans mes écrits plus académiques. Je me rappelle encore sa générosité à commenter mes hypothèses pour une communication scientifique que j’ai faite à Montpellier en France il y a une dizaine d’années. Dans mes réflexions sur mon second projet de thèse de doctorat portant sur l’échec de l’accord du lac Meech, il a aussi été disponible et partant pour me faire part de ses observations.
J’aimais beaucoup cet homme qui a contribué au développement de mon esprit critique. Au fil des ans, mon mentor est devenu un ami. Vous savez le genre d’ami qui est toujours là et que nous croyons éternel. La réalité vient de me rattraper. Jean-Pierre Kesteman n’est plus. J’espère que le comité de toponymie de notre ville trouvera rapidement une façon de commémorer le passage parmi nous de ce Belge profondément sherbrookois. Il nous laisse un grand héritage et je crois que renommer la rue Dufferin en son nom serait un juste tribut à son legs.
Jean-Pierre Kesteman nous a appris à toutes et à tous que l’histoire s’écrit avec un grand H…