Le tribunal de l’opinion publique

--

Date: 12 juillet 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Une fois de plus, le tribunal de l’opinion publique a été convoqué en pleine période estivale pour entendre l’affaire Omer Khadr. Omer Khadr est cet enfant-soldat, fils d’un père terroriste qui avait ses amitiés avec Oussama ben Laden.

Omar Khadr, alors âgé de 15 ans, est fait prisonnier en Afghanistan par les forces armées américaines lors d’échange de tirs avec les talibans. Blessé pendant le combat, Omar Khadr est accusé par la justice militaire américaine d’avoir lancé la grenade qui a tué Christopher Speer, un soldat américain de 28 ans. Khadr avait été laissé en Afghanistan pour servir de combattant pour Al-Qaïda par son père Ahmed.

Emprisonné et torturé, abandonné par son pays, le nôtre, Omar Kadhr a vu ses droits civiques bafoués et il a été réduit à l’abandon de son pays conservateur aux mains de ses tortionnaires américains. Les cours de justice, tant la Cour Suprême américaine que son équivalent la Cour Suprême du Canada, ont rendu de nombreux jugements qui dénonçaient le traitement infligé à ce jeune enfant-soldat. Omar Khadr a vécu un véritable enfer. Il s’en est finalement sorti en s’avouant coupable du crime dont on l’accusait aux dépens du soldat américain Speer. Des aveux obtenus par la torture et par le calcul stratégique des avocats du clan d’Omar Kadhr qu’il serait plus facile d’obtenir justice devant les tribunaux canadiens. Cela s’est avéré comme une stratégie efficace.

Aujourd’hui, le gouvernement de Justin Trudeau reconnaît les torts faits par le Canada à ce jeune homme d’à peine trente ans. Notre pays reconnaît que ses droits élémentaires n’ont pas été respectés et que l’on a privé ce dernier de la protection inscrite dans notre charte des droits et libertés ainsi que de celle promulguée dans les traités internationaux pour un enfant-soldat.

Quoi de plus normal que le Canada offre ses excuses en notre nom et qu’il paie un dédommagement à Omar Kadhr pour les sévices que nous lui avons infligés par notre complicité avec les autorités américaines et par le sort misérable qui lui a été imposé. Bien sûr, les conservateurs et leur nouveau chef, Andrew Scheer, déchirent leur chemise sur la place publique. Ils dénoncent ce geste du gouvernement Trudeau et plaident pour l’aide à la famille du soldat Speer tué au combat. Je veux bien que l’on cherche à nous égarer dans le mélange des genres, mais à la limite on devrait aussi s’interroger sur la responsabilité criminelle de celles et de ceux qui ont pris la décision de laisser torturer par les Américains un citoyen canadien et de surcroît un enfant-soldat. La torture est un acte criminel selon nos lois et celles et ceux qui l’ont permise mériteraient d’être traduits en justice.

Si le tribunal de l’opinion publique doit être convoqué cet été dans l’affaire Khadr, cela devrait être pour discuter de la responsabilité des hauts-fonctionnaires et des politiciens qui ont permis ces horreurs. Ces politiciens qui n’hésitent pas à sacrifier nos droits et libertés et à fouler aux pieds nos valeurs canadiennes au nom d’une sécurité nationale guerrière mise au service de politiques étrangères discutables et souvent construites sur de l’argile.

L’opinion publique doit juger sévèrement le gouvernement conservateur de Stephen Harper pour avoir foulé aux pieds nos droits de citoyens canadiens au profit de la folie guerrière de nos voisins américains. Nous sommes tous interpellés dans l’affaire Khadr et notre principale préoccupation devrait être la suivante : pourquoi les vrais responsables de cette bavure sans nom ne paient-ils pas le prix de leur trahison de nos valeurs et de nos droits et qu’ils ne sont pas traduits devant la justice? Pourquoi aussi accepte-t-on aussi facilement de supprimer nos droits au nom d’une pseudo-sécurité nationale? La lutte au terrorisme doit passer par le respect de nos droits et de nos valeurs, pas par leur piétinement. Je suis heureux de pouvoir compter sur un gouvernement, celui de Justin Trudeau, qui comprend l’importance de nos valeurs et de nos droits.

Une réponse à Le tribunal de l’opinion publique