La liberté de presse et la réputation
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Date: 20 septembre 2017Auteur: Daniel Nadeau
Nous vivons à une époque où la parole est libre. Grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons tous nous improviser journalistes ou chroniqueurs. Ce n’est pas un gage d’une plus grande liberté ou d’un débat démocratique plus soutenu. C’est bien souvent le contraire. Jamais, nous n’avons assisté à la circulation dans l’espace public commun à une aussi importante quantité de fausses nouvelles et de théories du complot. Voilà un exemple où le proverbe « le mieux est l’ennemi du bien » s’applique.
S’il est vrai que nous ne pouvons pas nous attendre à autre chose dans les médias sociaux, on pourrait imaginer que dans un monde idéal et vertueux, que celles et ceux qui font la profession de journalisme le fassent avec encore plus de rigueur. On s’attendrait qu’ils viennent en quelque sorte éclairer notre chemin démocratique par une rigueur redoublée pour venir contrer le pire qui provient de ces « égouts à ciel ouvert » que constituent trop souvent les médias sociaux où l’on voit déferler les mensonges, les demi-vérités et la haine. Nos lois ne sont pas encore adaptées à faire face à ce type de situations pour que des recours à des procès en libelle et diffamation puissent venir faire contrepoids à ce déferlement de passions non contrôlées.
Il faut donc s’interroger sur la pratique d’un certain journalisme chez Québecor média. Je fais allusion ici au procès fait au ministre Jean-Marc Fournier et à l’ex-ministre Raymond Bachand, tous deux du gouvernement libéral de Jean Charest. Sur la foi de déclarations anonymes, les sources sont cachées et d’un chef syndical frustré, Yves Francoeur, on vient de condamner deux hommes pour des crimes qui n’ont peut-être jamais existé. La pseudo-corruption politique liée au financement des partis politiques a le dos large. Le Québec, qui a pourtant changé les règles de financement des partis politiques contrairement à d’autres juridictions voisines, semble obsédé par ces vieilles affaires de corruption politique qui n’ont jamais été prouvées et pour lesquelles la commission Charbonneau, pourtant bien outillée, n’a jamais démontré de preuves. Même les deux commissaires ne se sont pas entendus sur les conclusions. Néanmoins, cela n’empêche pas la classe politique et les médias de continuer à faire le procès des innocents sur des dossiers aux bases fragiles.
C’est pourquoi l’on peut interroger les pratiques journalistiques du bureau d’enquête du Journal de Montréal qui malgré l’absence de faits réels publient les élucubrations d’un président de syndicat comme si elles étaient vraies. Par ce procédé, on condamne sans procès et sans aucune possibilité de défense des gens qui ont pour principale faute d’être des gens qui font de la politique. C’est intolérable que dans une société libre et démocratique on puisse briser ainsi des réputations sans coup férir. Je reconnais que les journalistes du bureau d’enquête du Journal de Montréal tenaient une primeur, mais leur responsabilité est de s’interroger sur les intentionnalités de celle ou celui qui veut faire fuir les informations. Si les journalistes l’ont fait et qu’il croit la source crédible alors c’est que l’on tient une vraie affaire. Dans ce cas pourquoi les faits portés à l’attention du public sont-ils si ténus ? On a un bon dossier ou on n’en a pas. Si on tient un os alors que l’on porte des accusations et que l’on fasse la preuve que nous vivons dans une république de bananes. Mais pour le moment, nous en sommes loin.
Dans toute cette affaire, on voit manifestement une intention de l’auteur de la fuite de déstabiliser le gouvernement libéral de Philippe Couillard et de nos institutions de justice. Par sa complaisance, le bureau d’enquête du Journal de Montréal participe à ces deux objectifs. Faut-il y voir l’ombre de Pierre Karl Péladeau ?