La question du Québec absente de l’opinion publique canadienne

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Date: 17 octobre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

S’il fut un temps où la question du Québec occupait l’avant-scène de l’actualité politique canadienne, on doit comprendre qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas. N’en déplaise à notre premier ministre Philippe Couillard, ce n’est pas demain la veille que nos partenaires canadiens accepteront de discuter des conditions de la signature du Québec de la constitution canadienne rapatriée en 1982 par le père de Justin Trudeau, Pierre Elliott Trudeau. On se rappelle qu’après des négociations ardues entre les provinces et le gouvernement fédéral, la constitution canadienne fut rapatriée de Londres, accompagnée d’une Charte des droits et libertés sans le consentement du Québec.

Il est indéniable que la question du Québec occupe peu ou prou de place dans les préoccupations de la classe politique canadienne. Comment pourrait-il en être autrement alors que même les Québécoises et les Québécois se désintéressent de cette question? De nos jours, on est même majoritairement contre le fait d’être consulté par référendum sur la question.

Si nous avions besoin d’une preuve supplémentaire pour nous en convaincre, nous n’avons qu’à lire le recueil de textes concocté par les chercheurs des universités de Toronto et de York à l’occasion du 150e anniversaire du Canada que viennent de publier les Presses de l’Université Laval.

Dans ces deux livres regroupant plus de 29 articles jugés parmi les meilleurs par les experts portant sur la confédération, les auteurs font le point dans l’introduction sur l’état de la question en 2017. Vous ne serez guère étonné que ce soit la question des droits autochtones et de la place des nations amérindiennes qui ont la côte de ce livre. Pour les auteurs de Vers la confédération. La construction du Canada en 1867, il est clair que la question de l’heure consiste à rompre avec la vieille trame narrative de l’histoire canadienne et à comprendre que les discours traditionnels qui l’ont influencée ne sont plus d’actualité aujourd’hui. Devinez quels sont les éléments de cette vieille trame narrative. Je vous les donne en mille : la question des peuples fondateurs, la question nationale, le sort des minorités françaises au Canada et l’égalité des provinces.

C’est dommage que les perspectives historiographiques des auteurs occultent ainsi le Québec dans les défis de l’avenir, car les textes présentés sont une excellente initiative et sont pour la très grande majorité des choix judicieux quant à l’impact de ces textes qui ont façonné notre compréhension de la naissance du Canada. Si vous pensez que j’exagère la signification de l’absence du Québec, je vous invite à lire un extrait de l’introduction des auteurs :

« Si nous nous tournons vers l’avenir et le prochain anniversaire du Canada, son bicentenaire en 2067, nous espérons et anticipons qu’à cette date, la réalité des Premières Nations sera pleinement intégrée à l’histoire canadienne. Comme nous l’avons mentionné plus haut, cette question est pour les spécialistes un thème de recherche et de réflexion intellectuelle à la fois crucial et inexploré. Au sein du pays, une majorité admet désormais que réparer la relation du Canada avec les peuples autochtones est une mission inachevée, vitale et difficile, mais urgente. Nous ignorons à quels résultats aboutiront nos efforts en ce sens, mais il est possible de conjecturer que d’ici à 2067, la Confédération perdra, dans une certaine mesure, sa place unique dans l’imaginaire national, et se rangera aux côtés d’autres événements et processus qui ont contribué au même titre à l’histoire du Canada. » (Jacqueline D. Krikorian, David R. Cameron, Marcel Martel, Andrew MCDougall et Robert C. Vipond, Vers la Confédération. La construction du Canada 1867, Québec, Presses de l’Université Laval, 2017, p. 36).

Si je reconnais d’emblée avec les auteurs que la question de la place des autochtones dans notre historiographie a été négligée tout comme celle des femmes et de la classe ouvrière, il n’en reste pas moins que celle des francophones et du Québec aussi. Plusieurs historiens québécois croient à juste titre que l’Union des deux Canada en 1841 est le fait le plus dominant de l’histoire canadienne. C’est grâce à cette union forcée du Québec et de l’Ontario qu’a commencé lentement, mais inexorablement la lente assimilation des Canadiens de langue française. Les Français ont été conquis, les membres des nations autochtones ont été envahis. Les Acadiens ont été décimés par leur exil. Des réalités incontournables de l’histoire canadienne. Les perspectives de l’introduction de ce recueil de textes nient les réalités de tous les peuples du Canada à l’exception des peuples autochtones. C’est vraiment dommage que l’on célèbre le 150e anniversaire du Canada ainsi. Les auteurs ne voulaient-ils pas élargir nos perspectives et combler des lacunes auxquelles « il faudra remédier dans l’avenir ». (Ibid. p. 10)

Les intellectuels canadiens viennent de rater une belle occasion de remettre les pendules à l’heure. Si les recherches historiques constituent un bon baromètre de l’état actuel des choses, on peut penser que ce n’est pas demain la veille que les droits du Québec seront reconnus par la constitution canadienne.

 

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