Le crucifix doit disparaître de l’Assemblée nationale du Québec

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Date: 25 octobre 2017
Auteur: Daniel Nadeau

Nous ne sommes pas à un paradoxe près au Québec. Alors que nous n’en finissons plus de débattre pour faire disparaître les signes ostentatoires des religions de notre espace public notamment ceux de la religion musulmane, nous défendons bec et ongle la présence du crucifix, symbole chrétien par excellence, au-dessus de la chaise du président de l’Assemblée nationale du Québec. Les tenants de cette justice à vitesse variable plaident pour l’aspect patrimonial de l’objet plutôt que d’avouer simplement qu’ils défendent la catho-laïcité pour le Québec.

On peut saluer la motion déposée par le député de Laurier-Dorion de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, qui demande le retrait de ce symbole religieux de l’Assemblée nationale du Québec. Cela est d’autant plus nécessaire que cette même Assemblée nationale vient de sanctionner une loi brimant les droits et libertés fondamentales de simples citoyennes et citoyens dans l’espace public québécois par l’adoption de la Loi 62.

Le retrait du crucifix à l’Assemblée nationale du Québec est d’autant plus indiqué lorsque l’on prend connaissance des circonstances historiques qui ont amené le premier ministre Maurice Duplessis à le faire installer en octobre 1936. Lisons l’historien Jacques Rouillard nous raconter cette histoire qu’il a publié dans le journal Le Devoir le 27 janvier 2007 :

« C’est le gouvernement de l’Union nationale de Maurice Duplessis qui a décidé d’apposer le crucifix au-dessus du trône du président de la Chambre à la première session du gouvernement qui venait tout juste d’être élu, en octobre 1936. Il a aussi été posé au Salon rouge au-dessus du siège du président du Conseil législatif (salle maintenant réservée aux délibérations des comités de l’Assemblée nationale; le crucifix n’y apparaît plus).

Cette décision de Duplessis n’est pas fortuite; elle est réfléchie et correspond au désir du nouveau gouvernement d’effectuer un virage dans les relations entre l’Église et l’État québécois. Duplessis veut montrer qu’il se distingue des gouvernements libéraux antérieurs en étant davantage à l’écoute des principes catholiques. »

Plus intéressant encore, c’est le contexte qui a amené Maurice Duplessis à ajouter le crucifix au Salon Bleu, celui que Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire souhaite faire retirer :

« On doit comprendre sa décision d’ajouter le crucifix au Salon bleu à la lumière d’un autre geste symbolique révélateur des rapports que Duplessis veut entretenir avec l’Église. Il survient à l’occasion du grandiose congrès eucharistique tenu à Québec en juin 1938.

Devant un parterre de délégués pontificaux, de prêtres et d’évêques et en présence d’une foule considérable, Duplessis présente au cardinal Villeneuve, archevêque de Québec, un anneau comme symbole d’attachement du Québec à la religion catholique. Il lui glisse l’anneau en disant préférer aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité proclamés par la Révolution française ceux découlant de l’Évangile : foi, charité et espérance. Il termine par une profession de foi en Dieu et en la religion catholique.

Le cardinal, qui n’est pas long à comprendre la signification du geste, répond : “Je reconnais dans cet anneau le symbole de l’union chez nous de l’autorité civile et de l’autorité religieuse.” Duplessis veut ainsi se distinguer des gouvernements libéraux antérieurs et manifester les nouveaux rapports qu’il désire entretenir avec le pouvoir religieux.

Pendant les 19 ans où elle a dirigé les destinées de la province, l’Union nationale de Duplessis a été à l’écoute de l’enseignement de l’Église, notamment dans les domaines importants de compétence partagée que sont l’éducation, la santé et les services sociaux. Contrairement aux gouvernements libéraux qui avaient légiféré depuis le début du siècle pour étendre le rôle de l’État dans ces secteurs, celui de l’Union nationale se charge au contraire d’élargir l’emprise cléricale. Pendant les années 50, il résiste à toute réforme du système d’éducation et de santé.

Pour Duplessis, donc, le crucifix placé au-dessus du siège du président de l’Assemblée représentait bien davantage qu’un symbole du passé religieux du Québec : il était le symbole de la nouvelle alliance qui unissait l’Église et l’État. »

Tout est dit, le crucifix doit être retiré. On peut le déposer dans un meuble dans les couloirs de l’Assemblée nationale et demander à l’Historien Jacques Rouillard d’en raconter l’histoire. Le texte est déjà rédigé. Je viens de vous le partager. Le Québec doit être un état laïc. Point à la ligne.

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