Faire la sourde oreille à l’opinion publique
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Date: 8 décembre 2017Auteur: Daniel Nadeau
C’est à tort cette croyance que l’opinion publique est la reine du monde en toutes occasions et qu’elle fait constamment la loi dans nos sociétés démocratiques. Certes, on ne peut nier qu’elle influe lourdement sur les décisions de notre classe politique, mais il arrive aussi que l’on fasse sourde oreille à ses revendications les plus légitimes. Cela a de quoi rendre humbles les gens qui par des stratégies de communication vendues à juste prix affirment qu’ils peuvent agir sur le cours de l’opinion publique pour influencer lourdement sur les décisions des femmes et des hommes politiques.
Nous avons eu un bel exemple de l’impuissance de l’opinion publique à influer le cours des choses dans l’affaire de la famille Lawrence. Cette famille du Sri Lanka parfaitement intégrée à la société d’accueil qui était le Québec. On a largement fait état dans les reportages des médias de cette jeune fille de la famille Lawrence, Leony qui était une première de classe et qui souhaitait faire sa médecine. Les entrevues données par les membres de la famille et par la jeune Leony étaient touchantes et l’opération charme de la famille a réussi auprès d’un large public au Québec. Le ministre de l’Immigration du Québec, David Heurtel a même émis un certificat de sélection pour tous les membres de la famille.
Malgré cela, le gouvernement fédéral et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, au premier chef ont fait la sourde oreille. Pourtant, les conditions gagnantes étaient réunies pour la famille Lawrence. Outre, la campagne de relations publiques favorable dont elle a fait l’objet, la famille habitait dans le comté du premier ministre, Justin Trudeau. Rien n’a fait broncher le gouvernement du Canada dans ce dossier.
Le gouvernement du Canada a raté une belle occasion de montrer son attachement à la fois à la question des réfugiés et à celle de sa sensibilité à une intégration réussie à la communauté francophone québécoise. J’espère que les autorités canadiennes avaient de bonnes raisons pour agir ainsi sinon son vernis d’ouverture, de tolérance et d’accueil à l’endroit des réfugiés pourrait en prendre pour son rhume. Ce qui a de plus désolant dans cette affaire c’est que de nombreuses voix progressistes au Québec s’échinent à défendre l’immigration et l’intégration à la société francophone québécoise. Alors que l’on ne cesse de nous rabâcher les oreilles avec la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement du Canada a choisi de renvoyer au Sri Lanka une famille d’immigrants parfaitement intégrée au Québec francophone et de surcroît qui participait activement au marché du travail. On attend toujours des explications du gouvernement canadien dans ce dossier.
Le pire scandale dans ce dossier n’est pas que le gouvernement du Canada ait pris cette décision au sujet de la famille Lawrence, non plus qu’il ait fait la sourde oreille à une opinion publique largement favorable à la famille Lawrence. Là où il y a un scandale, c’est le mépris de notre gouvernement envers le Québec manifesté par son mutisme. Le silence et l’indifférence sont les pires formes de mépris. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau aurait avantage à méditer sur cette question.