Les grandes figures oubliées de l’espace public québécois
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Date: 2 février 2018Auteur: Daniel Nadeau
Robert Nelson dit Le diable
Le Québec a connu ses moments de violence. Outre la conquête de 1760 où nous avons été vaincus militairement après des combats, il y a eu depuis l’établissement de colons français en Amérique des épisodes de violence ouverte avec les peuples des premières nations. Ces événements furent néanmoins fort peu nombreux.
C’est ce qui peut expliquer que l’imaginaire québécois ait si peu retenu les événements liés à la résistance patriote de 1837 et 1838 et la sanglante répression dont ont été victimes les Québécois de l’époque par l’armée britannique. Après la résistance des patriotes de 1837 et la tentative de renverser le pouvoir exécutif du gouvernement britannique, la plupart des chefs du mouvement patriote dont le plus célèbre Louis-Joseph Papineau ont trouvé refuge aux États-Unis pour fuir la répression du gouvernement anglais après l’échec du soulèvement.
L’une des figures les plus marquantes de cette époque fut celle de Robert Nelson qui s’est opposé à Louis-Joseph Papineau et qui ne jure que par la force militaire et par le soulèvement de la population afin de renverser le pouvoir britannique. Un épisode passionnant et troublant de l’histoire du Québec que nous fait revivre François Labonté en publiant la deuxième partie de sa trilogie sur le violent face à face entre les Canadiens et le pouvoir britannique dans nos tentatives d’établir une république au 45e parallèle.
Voici ce que nous en dit le dictionnaire biographique du Canada : « L’échec de 1837 avait profondément transformé les prises de position dans le camp des révolutionnaires. Les radicaux avaient évincé les modérés de la direction du mouvement. Parmi les radicaux, deux tendances se firent jour. Une première favorisait une action directe immédiate à savoir l’établissement d’un gouvernement provisoire, la proclamation d’une république du Bas-Canada et l’invasion du Bas-Canada. Robert Nelson, entouré entre autres du docteur Côté et de Julien Gagnon, incarnait cette tendance. D’autres patriotes, regroupés autour de Papineau, s’opposaient à toute action précipitée sans au préalable avoir obtenu l’assurance d’une aide formelle du gouvernement des États-Unis et des états frontaliers. La première tendance l’emporta et Nelson fut élu général de l’armée et président de la future république canadienne. »
Néanmoins, toutes ces tentatives de soulever le peuple par des moyens militaires ont connu un échec retentissant : « L’opération tournait à l’échec total. Nelson réalisant le danger de ces incidents et la menace des mouvements de troupes régulières commandées par Colborne résolut de diriger ses hommes vers Odelltown. Il semble bien que ce soit à ce moment qu’il a songé à s’enfuir. Partis de Napierville le 8 au matin, les patriotes arrivèrent à Lacolle en fin d’après-midi. On raconte que le soir Nelson tenta de s’enfuir, mais qu’il fut capturé au moment où il s’apprêtait à franchir la frontière et ramené au camp pieds et mains liées. Il réussit à convaincre les mécontents qu’il était parti faire une tournée d’inspection. Les 9 et 10 novembre, les patriotes attaquèrent les miliciens à Odelltown. Au cours de l’engagement décisif qui suivit l’arrivée de renforts aux miliciens, les Chasseurs perdirent 50 hommes avant de regagner les États-Unis. Nelson avait fui avant la fin du combat. » Loc. cit.
L’épisode se terminera de bien mauvaise façon et sera conclu par le rapport de Lord Durham et l’Union forcée du Haut et du Bas-Canada. Ainsi fut terminé le rêve d’établissement d’une République française en Amérique. Quant à Robert Nelson, une figure marquante de ces événements, il a fini sa vie aux États-Unis loin de la terre qu’il voulut libérer du joug anglais.
« Ruiné, couvert de dettes, Nelson décida d’aller tenter sa chance en Californie où affluaient les chercheurs d’or; en quelques semaines, il acquit une belle fortune. Il la perdit cependant par la malhonnêteté d’un agent à qui il l’avait confiée. Refusant de revenir au Canada où il avait été amnistié, il pratiqua sa profession dans l’Ouest jusqu’en 1863 alors qu’il s’établit à New York en société avec son fils, Eugène, né à Montréal le 28 mars 1837 (le nom de l’épouse de Robert Nelson demeure inconnu) et qui venait de terminer ses études médicales à Londres. En 1866, Robert Nelson publia à New York : Asiatic cholera: its origin and spread in Asia, Africa, and Europe, introduced into America through Canada; remote and proximate causes, symptoms and pathology, and the various modes of treatment analyzed. Il est également l’auteur d’une traduction d’un ouvrage de médecine et de plusieurs articles intéressants pour les étudiants en médecine. » Loc. cit.
Robert Nelson est un personnage singulier et important de notre histoire et comme bien d’autres il est aujourd’hui une figure oubliée de l’espace public québécois.