Les grandes figures oubliées de l’espace public québécois et canadien
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Date: 1 mai 2018Auteur: Daniel Nadeau
William Johnston
Le 19e siècle québécois et canadien est l’une des périodes historiques les plus riches sur le plan de l’histoire politique. On y retrouve les racines de ce que nous sommes devenus aujourd’hui. De nombreux personnages historiques colorés ont vécu durant ce siècle passionnant de l’histoire politique canadienne. C’est grâce à la lecture du livre de François Labonté sur Robert Nelson durant la période des troubles de 1837-1838 que j’ai découvert que nous avions chez nous un pirate, un vrai pirate comme dans Le Pirate des Caraïbes, William Johnston. (François Labonté, Robert Nelson dit le Diable. Face à face entre les Britanniques et les forces rebelles réfugiées aux États-Unis [1818-1839], Québec, Presses de l’Université Laval, 2017, 349 p.)
Né le 1er février 1782 à Trois-Rivières au Québec, William Johnston était surnommé le pirate du Saint-Laurent. Bandit, contrebandier, il fut aussi un rebelle qui a joint ses forces aux rebelles patriotes exilés aux États-Unis. Membre des chasseurs patriotes, une puissante organisation d’aventuriers américains et de fugitifs canadiens, il a contribué à la Rébellion ratée de 1837.
William Johnston ne s’est pas découragé pour autant et il a été un acteur de tout premier plan dans les événements de 1838 où là aussi les efforts des rebelles patriotes se sont avérés un échec. « Au début de 1838, Bill Johnston se joint aux chasseurs patriotes une organisation composée d’aventuriers américains et de fugitifs canadiens de la Rébellion du Haut-Canada ratée de 1837. Les chasseurs patriotes visent à “libérer” le Canada de la Grande-Bretagne. Bill Johnston est nommé “commodore de la marine dans l’Est”. L’“invasion” du Canada par les chasseurs patriotes près de Kingston est ridicule. »
C’est néanmoins après l’échec que notre pirate du Saint-Laurent réussira son action d’éclat, un acte de piraterie spectaculaire : « Le 30 mai 1838, près des îles Wellesley, Bill Johnston et ses hommes capturent le bateau à vapeur Sir Robert Peel, qui transportait la paie des troupes britanniques du Haut-Canada. Ils débarquent les passagers et les membres de l’équipage, puis transportent plus de 175 000 $ en argent comptant, en bijoux et en argenterie avant de brûler le bateau. Lord Durham, gouverneur général du Canada, offre une récompense de 5 000 $ pour la capture de Bill Johnston. Ce dernier émet une proclamation justifiant la capture du bateau comme étant un acte légitime de guerre.
Le 12 novembre 1838, Bill Johnston participe activement au raid des chasseurs contre le Haut-Canada à Prescott. Il transporte des hommes et des armes de l’autre côté du fleuve. Toutefois, son bateau s’échoue pendant qu’il est sous le feu d’une canonnière britannique. Quatre jours plus tard, les chasseurs sont défaits par les troupes britanniques et la milice canadienne lors de la bataille de Windmill, à Prescott, mais Bill Johnston et un groupe de ses partisans avaient déjà fui la bataille pour retourner du côté américain. Le gouvernement colonial du Haut-Canada accuse les Américains de soutenir la piraterie. C’est pourquoi les troupes fédérales américaines arrêtent entre autres Bill Johnston et l’amènent à Auburn, dans l’État de New York, pour subir un procès. Il est acquitté des accusations ayant trait au raid de Prescott, mais on l’arrête tout de suite après pour des crimes précédents. Il est amené à Albany, capitale de l’État de New York, où il est déclaré coupable et condamné à un an de prison. Six mois plus tard, il s’évade et disparaît dans les Mille-Îles. Il réapparaît à Washington avec en main une demande de grâce signée par de nombreux amis et citoyens notables. Le président américain Martin Van Buren ne voulait rien faire à ce sujet, mais le président nouvellement élu William Henry Harrison lui a plus tard accordé un pardon complet. »
William Johnston est une véritable légende dans l’histoire canadienne. Il a poursuivi sa vie de contrebandier et de hors-la-loi bien après les événements de 1838. On raconte même qu’à la taverne qu’il tenait à Clayton dans l’État de New York lui et « ses invités mangeaient dans l’argenterie volée à Sir Robert Peel. Fait inopiné, il est mort de causes naturelles à 88 ans. »
Comme toute légende, William Johnston a eu droit à des chansons et des poèmes célébrant ses exploits : « Des chansons et des poèmes célèbrent les exploits de Bill Johnston. Il est aussi le personnage principal d’une pièce de théâtre : Bill Johnston : The Hero of the Lakes. Deux romans romantiques, The Empress of the Isles et The Prisoner of the Border, sont fondés sur son histoire. »
William Johnston, le pirate du Saint-Laurent mérite ce rappel dans notre galerie de personnages des grandes figures oubliées de l’histoire canadienne.