L’affaire Guy Ouellet, l’UPAC et le gouvernement Couillard
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Date: 16 mai 2018Auteur: Daniel Nadeau
Il est toujours fascinant de constater qu’un jour, un sujet de toutes les préoccupations devient inaudible sans pour autant que les questions soulevées aient pu trouver des réponses. Les médias, les porte-parole d’opposition et même le président de l’Assemblée nationale s’étaient mis de la partie dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Guy Ouellet. Qui ne se souvient pas du célèbre mot du président Jacques Chagnon à propos de l’UPAC et de son dirigeant Robert Lafrenière : « Qu’ils s’excusent ou bien qu’ils accusent ».
Si le gouvernement libéral de Philippe Couillard est fort heureux du silence entourant cette affaire aujourd’hui, on ne peut pas en dire autant des citoyennes et des citoyens du Québec qui n’ont toujours pas obtenu de réponses à des questions aussi simples que : L’UPAC est-elle une organisation crédible ou est-ce un mur d’apparat commode aux libéraux pour masquer les faits et la réalité? Le dirigeant Robert Lafrenière s’active-t-il à effacer les traces de corruption et de collusion au sein du gouvernement liant organismes et ministères au Parti libéral du Québec et à ses organisateurs?
Toutes des questions sans réponses. Annie Trudel, la compagne de Guy Ouellet et la célèbre lanceuse d’alerte au ministère des Transports du Québec vient de publier un livre aux Éditions de l’homme dans lequel elle raconte sa version de l’histoire. Dans « Jeux de coulisses. Les dessous de la lutte contre la corruption au Québec », Annie Trudel fait un récit passionnant des événements liés à des dysfonctionnements dans l’octroi des contrats au MTQ, nous parle des rivalités incroyables entre les divers organismes liés à des policiers retraités et actifs dans la foulée de la création d’une ribambelle d’unités de luttes contre la collusion et la corruption.
Nous ne savons pas à la lecture de ce livre si nous avons affaire à un récit fidèle des faits ou plutôt à un règlement de compte d’une femme liée à Jacques Duscheneau comme mentor, puis à Guy Ouellet comme amoureux. Deux ennemis jurés de Robert Lafrenière, le patron de l’UPAC. Ce que nous pouvons néanmoins déduire de ce récit de madame Trudel c’est que sous le couvert de la lutte à la corruption et à la collusion, thème qui a le dos large, qu’il y a eu ces dernières années une lutte de pouvoir féroce entre divers corps policiers, personnages publics et personnages politiques. Une lutte de pouvoir qui n’avait pas pour objectif d’annihiler la corruption, mais de mettre en valeur celles et ceux qui voulaient devenir les Elliot Ness de notre époque.
Le livre d’Annie Trudel nous rappelle que derrière l’écheveau qu’est aujourd’hui la lutte à la corruption, il y a des luttes de pouvoir des guerres intestines qui ont fait les manchettes. On a passé plus de temps à se battre entre gens de bien qu’à pourchasser les vrais bandits. Que c’est décevant! Sur cet aspect, le livre d’Annie Trudel est convaincant.
Peut-on imaginer une fin heureuse à toute cette sale histoire un jour? Pour répondre à cette question, donnons la parole à Annie Trudel : « La corruption existera toujours, au Québec comme ailleurs. Mais plus la volonté politique sera honnête, plus on pourra la combattre avec efficacité. Pour l’instant, la priorité consiste à gérer la pression des citoyens de manière à faire réélire une majorité de députés pour accéder au pouvoir. La volonté est de faire du marketing. Seuls les spécialistes de la lutte contre la corruption montrent une véritable volonté de s’y attaquer. » (Annie Trudel, Jeux de coulisses. Les dessous de la lutte contre la corruption au Québec, Montréal, Éditions de l’homme, 2018, p. 245)