Le marketing politique a une histoire, partie 1
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Date: 30 août 2018Auteur: Daniel Nadeau
Ces jours-ci, plusieurs déplorent le clientélisme pratiqué par tous les partis politiques durant la présente campagne électorale. À entendre ces critiques, nous pouvons avoir l’impression que ce phénomène est nouveau et qu’avant, dans les années 60 et 70, les politiciens faisaient de la politique autour d’idées et que la politique n’était pas aux mains comme aujourd’hui de communicateurs professionnels et de fabricants d’images. Celles et ceux qui ont cette perception de la politique contemporaine au Québec ont à la fois tort et raison.
Ils ont raison par le fait que jamais les partis politiques n’ont autant investi par les techniques du marketing qu’aujourd’hui. C’est depuis la campagne américaine à la présidence gagnée par Barack Obama en 2008 que tout a basculé.
C’est Barack Obama qui a modifié le processus politique en ajoutant aux vieilles recettes de marketing politique, une véritable révolution : l’introduction et l’utilisation des métadonnées. La révolution Obama en matière de mise en marché électoral tient à une chose toute simple. Une campagne électorale s’appuie sur le savoir des techniques et des stratégies du marketing moderne utilisées par n’importe quelle organisation qui cherche à répondre et à satisfaire le besoin d’un consommateur en lui proposant un produit ou un service. Les campagnes électorales du président Obama sont le résultat de la mise en œuvre des meilleures pratiques pour les organisations tant privées que publiques en matière de marketing.
Ainsi les stratèges d’Obama ont mis en œuvre une stratégie qui misait sur le microciblage, l’utilisation des métadonnées et l’utilisation des médias sociaux. Les partis politiques fédéraux canadiens ont aussi mis en place des stratégies similaires lors de la dernière élection qui a permis d’élire le Parti libéral de Justin Trudeau.
Dans un tel univers, où l’utilisation des technologies de communication et des meilleures techniques de marketing qu’offrent l’utilisation des métadonnées, il n’est guère surprenant que l’on assiste à la montée de phénomène politique comme celui de Donald Trump. Avec de l’argent et une équipe marketing aguerrie, on peut désormais faire élire n’importe qui ou n’importe quoi.
Celles et ceux qui s’intéressent à ce phénomène bien contemporain peuvent lire avec profit le livre de Bruce I. Newman intitulé The Marketing Revolution in Politics. What Recent U.S. Presidential Campaigns Can Teach Us About Effective Marketing.
Fraichement publié, ce petit livre de 224 pages vous donnera la pleine mesure de l’envahissement du monde politique américain par les techniques et les stratégies les plus avancées de marketing. Vous comprendrez mieux à lire cet exposé de Newman comment nous sommes devenus des consommateurs d’idées et que nous sommes identifiés comme des idées agrégées pour obtenir notre vote.
Avec l’utilisation de ces techniques, l’instinct, le bien commun et les préférences d’un candidat deviennent bien aléatoires et superfétatoires. Seul compte désormais, les opinions et les croyances de ces milliers d’électeurs sur lesquels une organisation s’appuie pour se faire élire. Dans un tel contexte, l’influence des conseillers politiques traditionnels a bien peu de poids eu égard aux riches contenus des banques de métadonnées et aux résultats des sondages. Le phénomène Trump est bâti sur ces techniques. Plutôt qu’un fait isolé, je prédis qu’il deviendra la norme.
Ils ont tort parce que le Québec vit sous l’influence de la communication en politique depuis au moins la période duplessiste. Ces dernières années, le professeur Alain Lavigne a fait œuvre d’archéologie politique en publiant trois livres sur le marketing politique de la période de Maurice Duplessis et des années Jean Lesage. Il vient de publier ce mois-ci un ouvrage sur la période de Robert Bourassa et René Lévesque. Demain, j’évoquerai ces ouvrages et vous entretiendrai des faits marquants de l’introduction du marketing politique dans la vie politique québécoise.