Quand l’opinion publique condamne par excommunication
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Date: 14 novembre 2018Auteur: Daniel Nadeau
C’est sur toutes les lèvres. Chaque fois que l’on rencontre quelqu’un. As-tu signé le pacte? Le pacte c’est le mouvement lancé par le metteur en scène Dominic Champagne et brillamment défendu par le chanteur-comédien-acteur, Émile Proulx-Cloutier à l’émission par excellence des donneurs de leçon de Radio-Canada, Tout le monde en parle animée Guy A Lepage.
Il faut bien comprendre. Personne n’est contre la vertu. Encore moins contre la bonne tarte aux pommes de grand-mère. Je suis partant pour contribuer à sauver la planète. J’ai des petits enfants (sept) et je crois important de préserver du mieux possible cette petite planète bleue, berceau de l’humanité et de la biodiversité animale. Je n’ai donc pas de problème fondamental à signer le pacte puisque j’en partage les valeurs qui y sont véhiculées.
Alors si je ne le signe pas ce n’est pas pour cette raison. Je ne veux pas le signer à cause de son caractère ostentatoire et son effet de mode, de « buzz médiatique ». Désormais, on reconnaîtra la valeur des convictions sincères de quelqu’un au fait qu’il a signé ou non le pacte. Refuser de le signer ou l’ignorer serait un signe clair de la mauvaise foi d’une personne et de son peu d’engagement pour sauver la planète qui est en péril. Je refuse cette façon de voir les choses.
Sauver la planète veut dire cesser de manger de la viande, refuser de voyager en avion, se départir de son automobile, renoncer à vivre dans une maison individuelle, abandonner ses habitudes de voyager, abandonner tous ses gadgets électroniques comme les téléphones intelligents, les ordinateurs portables, les tablettes qui consomment énormément d’énergies en pures fadaises. J’exagère à peine.
Je crois important que la population du Québec et nos gouvernements fassent plus et mieux en matière de luttes aux changements climatiques. Il tombe sous le sens qu’il faut mettre en place des mesures énergiques pour favoriser l’électrification des transports, développer le transport collectif et encourager les gens qui doivent avoir une auto solo en acquérir une qui soit électrique.
Il importe aussi que nous puissions combattre la « banlieurdisation » du Québec par une plus grande densification urbaine, la création de collectivités durables partout au Québec. Manger moins de viande, favoriser l’achat local et abandonner notre propension à la surconsommation sont aussi de fichues bonnes idées pour notre santé collective et notre équilibre mental. Rompre avec ce capitalisme débridé mondialisé à l’extrême est à l’ordre du jour de tous les pays du monde.
Ce ne sont pas ces idées qui posent problème, mais la façon dont on les transmet au grand public. On prend trop souvent la voie du catastrophisme, de l’apocalypse annoncée plutôt que de s’adresser à la raison et à la bonne foi des gens. On excommunie facilement et on condamne encore plus aisément des centaines d’années d’habitus culturel au nom du péril annoncé. On invoque l’urgence de la situation pour prendre des raccourcis avec le rythme des changements souhaités. Mes années d’implication active m’ont convaincu que le changement même le plus souhaitable prend du temps. Il faut laisser du temps au temps. S’il est possible d’imaginer un monde sans auto et sans maison individuelle pour un monde à venir, il est clair que cela n’adviendra pas dans les dix prochaines années sans la mise en place d’un régime autoritaire qui ne laisserait pas d’autres choix. J’ai déjà écrit que l’urgence des changements climatiques est peu compatible avec les démocraties. Je n’en pense pas autrement aujourd’hui.
Rassurez-vous, je continuerai contribuer pour sauver la planète, mais je le ferais en conservant mon esprit critique bien éveillé tout en refusant de vivre dans un monde où l’on culpabilise les gens et les excommunie pour leur mode de vie. Voilà pourquoi je ne signerai pas le Pacte de Dominic Champagne.