Le cinquième pouvoir
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Date: 19 avril 2019Auteur: Daniel Nadeau
Le cinquième pouvoir c’est le titre d’un livre publié aux Presses de l’Université Laval (PUL) à la fin de 2016 sous la direction de Marc-François Bernier.
Ce livre s’intéresse au nouveau phénomène que constitue l’incursion de la parole citoyenne dans le monde des médias. Lisons ce que nous en raconte Marc-François Benier dans l’avant-propos de son livre : « Ce n’est que tout récemment, si l’on prend un certain recul historique, que les citoyens ont été en mesure de se faire entendre sans les filtres méthodologiques ou théoriques des chercheurs, et sans devoir se soumettre aux contraintes médiatiques. On peut dater du début des années 2000 l’émergence de cette capacité non plus seulement d’exprimer leurs satisfactions et doléances, mais d’en assurer une diffusion publique pouvant être plus ou moins importante. Dorénavant, les entreprises de presse et les journalistes, acteurs du 4e pouvoir médiatique, sont à leur tour soumis au regard critique d’un 5e pouvoir, citoyen celui-là. » (Marc-François Bernier, Le cinquième pouvoir. La nouvelle imputabilité des médias envers leurs publics, Québec, Presses universitaires de Laval, 2016, p. 2).
L’émergence de ce pouvoir citoyen au cœur du monde des médias n’est pas sans conséquence dans la construction de la réalité politique, terreau principal de nos débats démocratiques. Il s’agit de voir les effets dévastateurs de cette société post-factuelle et ses manifestations les plus délétères aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump. Chez nous, dans le sillage de l’attentat de la mosquée de Québec, on a interrogé avec vigueur le rôle et les responsabilités des radios parlés de Québec. Plus récemment, le maire de Québec, Régis Labeaume, a questionné les pratiques éditoriales du groupe Québecor qui permet à ce cinquième pouvoir de s’exprimer librement sans filtres sur les pages de ses actualités où les gens peuvent dans l’anonymat de leurs écrans déverser leur colère et leur fiel en toute impunité
L’émergence de ce cinquième pouvoir n’est pas sans conséquence. L’équilibre de notre démocratie y est lié. Certains en appellent à la censure, d’autres ne jurent que par cette nouvelle forme de la démocratie. C’est pourquoi il est salutaire de lire la série d’essais regroupés par l’ex-journaliste et professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa, Marc-François Bernier. On retrouve dans ce livre les contributions des participants à un colloque qui s’est tenu du 18 au 20 mai 2016 à l’Université d’Ottawa. À partir de ces textes des uns et des autres, des études de cas précis et des déclarations éditoriales, on peut enrichir notre réflexion sur le cinquième pouvoir et amorcer une analyse et un débat sur cette question et ses conséquences pour la qualité de notre dialogue démocratique.
La lecture de cet ouvrage permet d’appréhender ce nouveau phénomène et d’en saisir les contours essentiels. Malheureusement, nous n’y retrouverons pas de réponses toutes faites ni de raccourcis pratiques à nos débats et nos errances dans l’espace public. Cela permet néanmoins de comprendre une chose essentielle. La censure ou la déresponsabilisation ne sont pas les voies royales de la réconciliation de ce cinquième pouvoir avec nos pratiques démocratiques. Comme dans beaucoup d’autres débats, le chemin qui mène à des solutions équilibrées n’est bien souvent rien d’autre qu’une excursion pénible d’une randonnée dans des sentiers escarpés…