L’opinion publique: comprendre sa nature et son influence 7
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Date: 1 mai 2019Auteur: Daniel Nadeau
L’opinion publique : les débats 3
La contribution de Charles H. Cooley est un regard sociologique porté sur le phénomène de l’opinion publique, un regard qui, aux dires de Loïc Blondiaux, n’a pas eu beaucoup d’influence sur la réflexion anglo-saxonne à propos de l’opinion publique[1]. Si Blondiaux ne reconnaît pas une grande influence à Cooley, il atteste néanmoins de l’intérêt de ses travaux comme témoin de l’effort de conceptualisation de l’opinion publique au tournant du xxe siècle[2].
Le propos de Cooley assimile l’opinion publique à un phénomène socialement construit et défini comme « le jugement d’une communauté autoconsciente sur tout sujet d’intérêt général[3] ». En cela, Cooley s’inscrit dans une nouvelle tradition sociologique qui étudiera l’opinion publique à travers le prisme de cette spécialité plutôt que comme ses contemporains britanniques James Bryce et William Dicey ou l’Allemand Wilhelm Bauer[4]. Le sociologue américain Robert Porter s’inspirera d’ailleurs des travaux de Cooley lorsqu’il rédigera en 1904 sa thèse de doctorat sur la masse et le public[5].
Pour Cooley, suivant en cela Franklin Giddings (1897), il ne peut y avoir d’opinion publique s’il n’y a pas de communication : « Il va de soi que l’opinion publique dépend du contact intellectuel et de la communication. Là où les rapports mutuels existent à peine, comme parmi les montagnards du Tennessee, il n’y a pas d’opinion publique[6].
Par ces propos que cite Colley de Giddings, il se trouve à cela à rejoindre le sens des travaux faits par Gabriel Tarde sur ces sujets[7]. Pour le sociologue américain, il est indiscutable – et il insiste particulièrement là-dessus – que l’opinion publique puisse être assimilée à l’opinion qui se compte : « Il est parfaitement absurde de confondre cette opinion publique avec l’addition arithmétique des jugements portés par les membres d’un groupe sur une question donnée[8]. Cooley est parfaitement à l’aise avec les propos du sociologue Clyde King, cité par Sidman en 1932 et qui nous est rapporté par Loïc Blondiaux : « L’opinion publique suppose une information et une délibération et ne saurait être assimilée à l’impression populaire facile et superficielle[9] ».
[1] Dominique Reynié et Loïc Blondiaux, « L’opinion publique. Perspectives anglo-saxonnes », Hermès, no 31, Paris, CNRS Éditions, 2001, p. 55
[2] Ibid, p. 56.
[3] Loc.cit
[4] Hermès, loc.cit., p. 56.
[5] Loïc Blondiaux, op.cit., p. 137.
[6] Hermès, loc.cit. p. 56.
[7] Gabriel Tarde, L’opinion et la foule, Paris, PUF, 1989 [1901].
[8] Loïc Blondiaux, Hermès, loc.cit. p. 56.
[9] Ibid, p. 57.