L’âne de Buridan
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Date: 12 février 2020Auteur: Daniel Nadeau
C’est l’ancien premier ministre libéral Robert Bourassa qui m’a fait connaître un jour le paradoxe de l’âne de Buridan. Selon la légende, un âne est mort pour avoir été incapable de choisir entre deux seaux, l’un d’avoine et l’autre d’eau. L’âne de Buridan est mort de soif et de faim pour avoir été incapable de choisir.
C’est le sort qui attend Justin Trudeau et son gouvernement qui doivent choisir d’ici la fin du mois de février s’il donne ou non son aval au mégaprojet d’exploitation des sables bitumineux Frontier, au nord de Fort McMurray, en Alberta.
Ce projet de Teck Resources de Colombie-Britannique prévoit d’extraire 170 000 barils de pétrole brut par jour en 2026 et jusqu’à 260 000 barils en 2030, année où nous devrions avoir atteint nos objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre. L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) et l’Alberta Energy Regulator (AER) se sont prononcées tous deux en faveur de la réalisation de ce projet. Il ne manque plus que l’accord du gouvernement de Justin Trudeau.
La semaine dernière, le premier ministre albertain, Jason Kenney, est venu faire un petit tour de nos médias dans une opération de relations publiques plutôt réussie pour rappeler que l’heure de vérité avait sonné pour le gouvernement libéral de Justin Trudeau. Il avait le choix de prouver que sa volonté de se réconcilier avec l’ouest du pays est sincère et que cela dépasse la simple nomination de madame Chrystia Freeland comme ambassadrice personnelle de son gouvernement ou de renier les besoins de sa province pour favoriser l’est du Canada. Un choix impossible.
Choix d’autant plus difficile que si Justin Trudeau se remémore la dernière campagne électorale et son résultat, il ne sera pas convaincu que cela aura été payant pour son gouvernement de se porter acquéreur du pipeline de Trans Mountain. Par ailleurs, dans un contexte de gouvernement minoritaire, monsieur Trudeau doit s’assurer de la loyauté des membres élus de son caucus. Déjà, dans les corridors du parlement, on entend que cela ne sera pas chose facile. De nombreux députés libéraux ne sont pas chauds à l’idée de jeter au panier le projet d’atteindre des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030.
Bref, ce choix impossible ressemble à celui de l’âne de Buridan évoqué au début de ce texte. Ce qu’il faut savoir c’est que ce paradoxe était surmontable si l’âne avait choisi le seau d’eau. Il aurait survécu plus longtemps, car il pouvait rester trois à quatre semaines sans manger, mais pas plus de deux ou trois jours sans boire. Il est cependant vrai qu’après un mois, il risquait tout de même d’y perdre la vie. C’est un peu le choix qu’a Justin Trudeau, mourir tout de suite en choisissant le pétrole et l’Ouest ou mourir plus tard en faisant le choix de boire de l’eau. Chose certaine, ses valeurs chrétiennes bien ancrées lui permettront d’envisager une résurrection à Pâques grâce à son respect des valeurs écologiques de son discours depuis son arrivée en politique. Il est temps que les sabots de l’âne suivent ses babines désaltérées…