Goliath Bell contre David Québecor
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Date: 13 février 2020Auteur: Daniel Nadeau
Qui aurait cru entendre l’actionnaire principal et dirigeant de Québecor, Pierre Karl Péladeau plaider pour le démantèlement de Bell par le CRTC jugeant que ce groupe est devenu trop gros et qu’il constitue une menace pour l’équilibre du fragile écosystème des médias québécois et canadiens. Au fond, Pierre Karl Péladeau reproche au groupe Bell ce que bien des gens reprochent au groupe Québecor pour le marché québécois. C’est d’ailleurs au nom de cette diversité des voix que plusieurs s’opposaient à l’acquisition du Groupe Capital médias par Québecor.
Le problème qui est soulevé devant le CRTC concernant l’acquisition de la station généraliste V par Bell n’est pas simple. Au-delà des reproches que l’on peut adresser à Pierre Karl Péladeau, on doit prendre acte de la solidité de l’argumentation qu’il a livrée contre cette acquisition devant le CRTC hier après-midi. Monsieur Péladeau a plaidé contre le fait que Bell ne prenne pas de réels engagements pour remettre en place une véritable salle de nouvelles. Bell a beau défendre la synergie entre CTV et cette future salle de nouvelles remaniée, cela n’est guère convaincant. Aussi, Pierre Karl Péladeau a rappelé qu’à l’heure actuelle c’est grâce à un partenariat de V avec le Groupe Capital médias dans les régions du Québec que les auditeurs de la chaîne de V ont droit à des informations régionales. Veut-on habiller Paul en déshabillant Pierre ? C’est la question qui nous vient spontanément à l’esprit.
L’autre grande question que soulève cette éventuelle transaction est qu’au-delà de la guerre commerciale entre Bell et Québecor et la guerre des mots que livre le combatif Pierre Karl Péladeau, il y a aussi une question d’identité pour le Québec. Un passé pas si lointain nous a permis de voir le sort qu’a réservé Bell aux francophones dans sa programmation radio et dans ses médias spécialisés. Toutes les décisions sont prises à Toronto. Au moins, malgré les nombreux défauts que l’on peut trouver à Pierre Karl Péladeau et Québecor, les décisions relatives à la programmation dans les médias de Québecor se prennent au Québec et en français.
Enfin, il est un peu surréaliste d’assister aux audiences du CRTC alors qu’au même moment dans le ministère du Patrimoine canadien de Steven Guilbeault, nous sommes à réécrire le mandat du CRTC afin d’adapter notre règlementation au monde des médias d’aujourd’hui avec ses plates-formes numériques. Rien ne sera facile pour le CRTC. Nous avons tous hâte de voir comment cet organisme va faire atterrir ce dossier litigieux. Chose certaine, une autre épine au pied du gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau.