La solitude du pouvoir
--
Date: 25 mars 2020Auteur: Daniel Nadeau
Nos premiers ministres Justin Trudeau et François Legault doivent se sentir bien seuls par les temps qui courent. Certes, ils peuvent compter sur des équipes, des experts et des collègues de leur conseil des ministres. Cela est acquis. Néanmoins, devant la gravité de la crise que nous vivons avec la pandémie du coronavirus, ils doivent prendre des décisions rapides qui changeront la vie de milliers d’entre nous. Jusqu’à présent, cela se déroule plutôt bien. Les communications gouvernementales de crise sont à la hauteur, mais bientôt, j’en ai la conviction, au fur et à mesure du maintien et du renforcement des mesures de confinement, des voix dissidentes se feront entendre.
Nous sommes plusieurs à juger de leurs actions et notre jugement à leur propos est souvent impitoyable ou trop généreux. Nous n’avons qu’à voir la popularité aussi subite qu’inattendue du docteur Horacio Arruda pour comprendre qu’en ces temps troubles, être populaire ou voué aux gémonies tient à bien peu de choses.
Il y a quelques années, j’ai lu un intéressant ouvrage de Jean-Michel Djian paru chez Grasset en 2015 et intitulé : Solitudes du pouvoir. Dans cet essai, l’auteur nous invite à découvrir la solitude de celles et ceux qui nous dirigent. Il faut plutôt parler de ceux, car aucune femme au pouvoir ne fait partie de la réflexion de l’auteur. Quoi qu’il en soit, cet essai de Djian nous fait voir comme les tragédies grecques nous l’ont enseigné il y a longtemps, que le pouvoir suprême s’accompagne d’une extrême solitude. Les Dieux peuvent être adorés, enviés ou craints, entourés d’une foule de courtisans, dotés d’une grande puissance, mais là-bas, tout en haut, l’oxygène est rare et les vraies amitiés sont de circonstances plutôt que sincères. L’auteur écrit : « Il (un dirigeant président français) s’est trouvé confronté à des choix lourds de conséquences pour lequel aucun catéchisme ne l’a aidé à démêler l’enchevêtrement du bien et du mal. La grandeur morale de la politique n’est pas dans la bonne conscience, mais dans le cas de conscience. » Bien vu. Son conseiller en communication confirme : « Ce jour-là, il était dans un mutisme total. Il veut être seul alors qu’il ne sait pas l’être. Alors nous le protégeons. Je pense sincèrement qu’il venait symboliquement de réaliser, au contact direct de la mort, ce que représentait sa charge, son devoir d’homme d’État. »
Bref, messieurs Trudeau et Legault doivent aujourd’hui sentir tout le poids de leur charge et c’est pour cela qu’ils méritent notre appui et notre estime. Ils se dévouent pour nous. Peu d’entre nous seraient volontaires pour ce sacrifice. C’est pourquoi la solitude du pouvoir ne peut avoir que notre solidarité comme remède.