Le « storytelling » est comme Dieu, il est partout!
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Date: 12 mai 2015Auteur: Daniel Nadeau
Dans mes derniers billets, je vous ai parlé du pouvoir de l’émotion, des récits comme point nodal du nouveau discours des communications modernes. J’ai même publié une chronique parue dans le journal Web EstriePlus, où je collabore chaque semaine, qui faisait le lien entre les récits et nos vies à travers la littérature. Aujourd’hui, je veux approfondir avec vous la question du « storytelling » qui est de loin le plus puissant des outils de communication de notre époque. Le « storytelling » c’est une arme de persuasion massive.
Le « storytelling » permet à un communicateur chevronné de transformer un leader politique, un chef d’entreprise ou plus souvent une marque en premier rôle d’une saga près de l’épopée. La meilleure définition que l’on puisse en donner c’est comme le suggèrent les auteurs Clodong et Chétochine que j’ai déjà cités (Olivier Clodong et Georges Chétochine, Le storytelling en action. Transformer un politique, un cadre d’entreprise ou un baril de lessive en héros de saga!, Paris, Éditions d’organisation Eyrolles, 2010, 177 p), c’est : « l’art de transformer un sujet lambda en personnage ». (p.28)
Le storytelling est un exercice où la somme des parties est plus grande que le tout. Une belle histoire, bien racontée, décuple la puissance de chacun de ces éléments, de ces personnages comme faits. Comme nous le savons tous, une histoire, un récit sont beaucoup plus passionnants et efficaces qu’une liste d’arguments rationnels. Une histoire marque de façon indélébile notre esprit et fait appel à nos émotions.
Dans l’exercice du storytelling, ce qui compte le plus, c’est l’importance de l’interaction qui est créée avec le lecteur, l’auditeur ou le spectateur. Prenons l’exemple d’un bon orateur, qu’est-ce qui fait un bon orateur? C’est d’abord et avant tout sa capacité de raconter une histoire crédible à son auditoire en tenant compte de leur intérêt et de leur valeur, mais c’est surtout sa capacité de prendre en compte les moindres réactions de ce même auditoire pour ajuster le ton, le rythme et les mots de l’histoire qu’il leur raconte. Plus que toute autre forme de communication, nous disent les auteurs Clodong et Chétochine, « le storytelling constitue à ce titre un véritable échange émotionnel. » (p. 28)
Remarquez ce qui se passe autour de vous, observez le monde de la politique, des arts de la scène, du sport ou de la publicité et vous constaterez que la machine à raconter est toujours en marche. Elle fait appel à nos émotions, à nos valeurs. « Raconter est devenu le moyen d’émouvoir, de séduire, de convaincre, de galvaniser, d’influencer voire d’envoûter. » (p.30)
De nos jours, le storytelling est partout et les applications en sont de plus en plus nombreuses. Dans le management, on raconte des histoires pour motiver les troupes, les publicitaires nous racontent des histoires de marque et les spécialistes des relations publiques construisent la vie des femmes et des hommes politiques comme des sagas. Les médias qui aiment plus que tout l’inédit et le spectaculaire embarquent aisément dans le jeu et nous avons droit à l’épopée PKP et Julie. Après s’être brièvement séparés, ils renouent et ils vont se marier. Parions que si PKP devient chef du Parti Québécois, l’intimité de ce mariage sera toute relative. Même chose pour l’épopée Québécor à venir. Le problème éthique que peut poser la mainmise d’un éventuel Premier ministre du Québec sur les plus importants médias écrits et électroniques, sans compter les maisons d’éditions de livres et de revues ainsi que les arts de la scène, seront relégués à l’arrière-plan d’une histoire d’un vaillant entrepreneur de souche Pierre Péladeau père et dont la fidélité du fils fera en sorte qu’il ne voudra pas vendre comme un plat de lentilles un héritage québécois pure laine…
Non seulement le storytelling est partout, mais il faut s’en méfier.