Médias en crise
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Date: 27 mai 2015Auteur: Daniel Nadeau
Dans mon billet d’hier et ceux de la semaine dernière, j’ai évoqué la crise des médias ou plutôt le fait tout simple que les médias sont en crise tant financière qu’organisationnelle. Est-ce exagéré de parler de crise des médias?
Pas si l’on en croit l’étude de Colette Brin et Marilou St-Pierre du Centre d’Études sur les médias de l’Université Laval. L’étude Brin-St-Pierre publiée en mars 2013 et intitulée : Crise des médias et effectifs rédactionnels au Québec conclut que « … la crise médiatique n’a pas épargné le Québec, alors que les deux principaux indicateurs, soit les revenus publicitaires et, dans une moindre mesure, le lectorat et les tirages des quotidiens sont en baisse » (Colette Brin et Marilou St-Pierre, Crise des médias et effectifs rédactionnels, Centre d’Études sur les médias, mars 2013, p.53)
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de constater que la plupart des grands médias du Québec ont procédé à d’importantes compressions budgétaires. La Société Radio-Canada/Canadian Broadcoasting Company est à cet égard le modèle par excellence. On a coupé jusqu’à venir mettre en péril la mission de cette Société d’État. C’est du moins l’opinion des gouvernements du Québec et de l’Ontario qui ont mené de concert une étude intitulée Le financement de Radio-Canada : état de situation et pistes de solutions qui arrive à la conclusion que : « Radio-Canada n’est plus en mesure de remplir sa mission fondamentale. De 1990 à 2014, ses crédits ont augmenté de 0,5 %, tandis que l’indice des prix à la consommation (IPC) croissait de 51 %, et les dépenses du gouvernement, de 74 %. Bien que la croissance des revenus, dont les revenus publicitaires réalisés par la Société, ait été de 18 % entre 2005 et 2014, soit le double de la croissance de l’IPC sur la même période, celle-ci ne permet pas de compenser la diminution des crédits parlementaires »
Sur le plan des effectifs, il est difficile de se faire une tête, aux dires des auteurs Colette Brin et Martine St-Louis, citons leur rapport dans le texte : « Sur le terrain, nous avons pu constater qu’il est difficile de généraliser sur l’état des médias. Dans certains cas comme Le Journal de Montréal, les effectifs rédactionnels ont diminué de manière importante, passant de 133 à 34 travailleurs. À La Presse, après des diminutions sensibles en 2009, un mouvement inverse s’est amorcé en 2010, les embauches se succédant, avec entre autres le projet iPad. Au journal Le Devoir, on parle d’une quasi-stabilité, alors qu’à La Presse Canadienne on retrouve une augmentation des effectifs. Pour ce qui est de Radio-Canada, il est difficile d’avoir l’heure juste quant à la situation des effectifs rédactionnels, la direction et le syndicat n’ayant pas les mêmes chiffres » (Ibid. p. 54).
Une chose est cependant indéniable. Il y a selon l’étude Brin-St-Louis une précarisation de l’emploi chez les journalistes et ceux-ci doivent se montrer de plus en plus polyvalents dans leurs tâches tout en travaillant avec des moyens réduits et des plages de temps limité.
Dans un tel contexte, on ne peut, comme le font nos gouvernements feindre l’ignorance et plaider pour une information de qualité sans prendre en compte les éléments de crise qui viennent baliser le développement des médias au Québec. Les propriétaires privés des médias ont choisi les moyens de la concentration, de la convergence et de la réduction des coûts de main-d’œuvre alors que les propriétaires publics (Les États) ont choisi le désinvestissement.
Dans tous ces cas de figure, les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sont les grands perdants sans oublier le citoyen qui a de moins en moins de moyens pour s’informer convenablement du monde dans lequel il vit. La crise des médias est amplifiée par les mutations technologiques et la percée du net dans le monde de l’information. Demain, mon billet vous entretiendra de l’impact de l’émergence des réseaux sociaux dans la vie des journalistes du journal Le Devoir…