L’affaire Joël Legendre et le tribunal de l’opinion publique
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Date: 23 juin 2015Auteur: Daniel Nadeau
La semaine dernière, Jean-Luc Mongrain et Pénélope McQuade recevaient à leur tribune du dimanche Joël Legendre dans une entrevue qui a été regardée par des milliers de gens.
On se rappellera que Joël Legendre s’était tout particulièrement distingué par une très mauvaise gestion de crise d’un fait divers, s’être masturbé en public. Utilisant le mensonge et le faux-fuyant, cet être de talent s’est suicidé publiquement par son manque d’honnêteté et de franchise. Ce qui aurait dû être un mauvais moment à passer est devenu une affaire nationale dont les médias se sont emparés.
Lors de sa dernière entrevue, Joël Legendre a tout avoué et il s’est servi de la tribune que lui ont offerte Pénélope McQuade et Jean-Luc Mongrain pour s’expliquer et pour obtenir la bénédiction du grand public, élément essentiel pour ses futurs employeurs dans le métier pour lequel il a tant de talent.
Sur le fond des choses, le geste posé par Joël Legendre au parc Marie-Victorin à Longueuil est on ne peut plus banal. Ce n’est pas un crime même si cet acte est jugé par nos lois inconvenant et puni par voie de réglementation municipale. Plusieurs personnes ont dans leur placard des choses beaucoup plus graves et personne ne les embête avec cela même pas leur conscience.
L’aspect le plus important est la place démesurée occupée par les médias dans cette quête de réhabilitation de Joël Legendre. Au 17e siècle, ce sont les tribunaux qui occupaient cet espace de réhabilitation. Dans un article récent, Ollivier Hubert, professeur d’histoire à l’Université de Montréal, s’intéresse au processus de la « violence communicationnelle dont l’enjeu est la destruction psychosociale de l’individu » (Ollivier Hubert, « Injures verbales et langage de l’honneur en Nouvelle-France » dans Laurent Turcot et Thierry Nootens, dir., Une histoire de la politesse au Québec. Normes et déviances, XVIIe-XXe siècles, Québec, Septentrion, 2015, p. 55)
Pour l’historien de l’UdeM, « les procès qui concernent l’honneur seraient alors compris comme des signes de la progressive prise en charge par l’État du besoin de sécurité psychologique et sociale ressenti par des acteurs confrontés à un monde intersubjectif marqué par l’importance de l’opinion dans les processus d’identification, de reproduction et de mobilité sociale, mais aussi au simple besoin d’intégration… » (loc. cit.)
L’affaire Joël Legendre fait la démonstration qu’aux tribunaux d’hier, le monde d’aujourd’hui a fait place à celui du tribunal de l’opinion publique. Ce qui est bien ou mal est largement déterminé par le ton et l’ampleur de la couverture médiatique. Jamais le tribunal de l’opinion publique n’aura eu dans notre histoire un poids aussi important. Avouez que si on prend la mesure de l’ampleur des ratés dans les choix éditoriaux des différents médias et des différents intervenants qui construisent notre monde vécu et nous le raconte ce n’est guère rassurant.
Joël Legendre est un chic type. Trop parfait même et c’est un peu inquiétant qu’il doive passer par le jugement du tribunal de l’opinion publique par médias interposés pour pouvoir reprendre le cours de sa vie professionnelle. D’ailleurs, cet homme aux multiples talents saura, je n’en ai aucun doute, nous éblouir à nouveau par ses prouesses dans le monde de notre imaginaire et de notre divertissement. Si Joël Legendre a fait une très mauvaise gestion de crise de cette affaire au début, on comprend qu’il apprend vite et qu’il a été très bien conseillé pour son retour. Félicitations à celles ou ceux qui ont préparé ce retour criant de vérité. En plus, ce fut un très bon moment de télévision pour Pénélope et Jean-Luc…
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