L’affaire Ghomeshi : les médias en feu
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Date: 1 avril 2016Auteur: Daniel Nadeau
La semaine dernière, le verdict est tombé dans l’affaire Jian Ghomeshi. C’est avec stupeur que nous avons appris, même si nous le pressentions depuis les audiences du procès, le verdict de non-culpabilité à l’endroit de cet ancien animateur vedette de la CBC.
Rappelons les faits…
En octobre 2014, la CBC annonce qu’elle met fin à sa collaboration avec Jian Ghomeshi. Celui-ci publie un message sur sa page Facebook où il se dit adepte de BDSM (bondage, dominance and submission, sadomasochism). Du sexe à la dure.
Quelque temps après, huit femmes accusent Giomeshi d’agressions sexuelles. Des femmes prennent la parole pour dénoncer Ghomeshi qui aurait usé de violence contre elles sans leur consentement. Des victimes de la violence de Ghomeshi prennent la parole et le dénoncent.
Les réseaux sociaux s’enflamment. Le mouvement #AgressionNonDénoncée est lancé. Des milliers de femmes suivent l’exemple des journalistes Sue Montgomery et Antonia Zerbisias et un dialogue sérieux s’engage au Canada sur la culture du silence entourant les agressions sexuelles. Dans la foulée de ce mouvement social, quatre accusations pour agressions sexuelles sont déposées contre Ghomeshi.
Le procès s’est tenu en février 2016 à Toronto. Les femmes victimes de Ghomeshi, mal préparées ou mal choisies, ont été à nouveau victimes. Cette fois, elles ont été victimes du système judiciaire et de ses règles. Elles ont été mal encadrées. Le procès a été l’objet de confusion et de contradictions. Les femmes victimes sont apparues comme des menteuses et des fabulatrices. Ghomeshi au terme de ce procès a été déclaré non-coupable.
Que penser de tout cela ?
Trois choses en fait. Se rappeler que le système judiciaire est bien mal préparé pour affronter des causes d’agressions sexuelles. La popularité d’une cause auprès de l’opinion publique n’est pas garante de son triomphe et enfin que l’on a toujours tort de ne pas accorder beaucoup d’importance aux médias même si techniquement les juges et les jurés ne sont pas censés être sous leur influence.
Ce qui est le plus remarquable de la couverture des médias de cette affaire c’est que malgré les accusations portées contre Jian Ghomeshi et son attitude à l’égard des femmes, les médias ont focalisé l’attention des gens sur les erreurs commises par les plaignantes et leurs contradictions. Exit les comportements violents de Jian Ghomeshi à l’endroit des femmes.
L’opinion publique est une bien belle chose, mais elle ne se nourrit que d’émotions et de spectaculaire. Elle n’a pas de mémoire ni de recul sur les événements. On a beau s’indigner, mais la recherche du spectacle par nos médias cause de graves préjudices. Les médias étaient en feu, mais la cause des femmes et tout particulièrement celle de la violence faite aux femmes a connu un grave recul avec l’affaire Ghomeshi. Le dialogue entrepris à la faveur du mouvement #AgressionNonDénoncée a été interrompu. Il faudra bien y revenir. La violence est inacceptable et celle à l’égard des femmes est encore plus intolérable…