Nos assureurs et la censure. Êtes-vous rassurés?

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Date: 16 mai 2016
Auteur: Daniel Nadeau

Hier, nous avons eu droit au Gala des Oliviers. Celui-ci fut largement médiatisé avant par le geste de censure des promoteurs de l’événement et du diffuseur Radio-Canada à l’endroit du numéro de Mike Ward et de Guy Nantel. CensureOn a en effet censuré le numéro que devaient faire les deux humoristes après qu’ils aient accepté de réécrire non pas une fois, mais sept fois leur texte.

Ce texte est paru dans Le Journal de Montréal. On peut le trouver de mauvais goût, de numéro pas très réussi ou de peu respectueux, mais de là à accepter qu’il soit retiré par la volonté des avocats et d’assureurs privés, il y a une marge. 

À sa lecture, personne ne comprendra les ressorts intellectuels du jugement des censeurs. Oui, il est vrai que les propos tenus sur Ariane Moffatt et son orientation sexuelle sont de très mauvais goûts. Même chose pour les propos tenus sur les juifs et leur propension à vénérer l’argent avec la blague sur les stérilets d’or. Mais la question qui devrait faire l’objet de nos réflexions c’est la liberté d’expression. Ce qui est juste et raisonnable n’est pas l’enjeu. Ce qui devrait retenir l’attention ici c’est de mesurer si les propos tenus par les humoristes Nantel et Ward sont des appels à la haine contre les homosexuels ou contre les juifs. Je dois conclure à la lecture de ce texte qu’aucune trace de haine ou de discours antisémites ne se retrouvent dans le texte censuré de Nantel et Ward.

Défendre la liberté d’expression est fondamental dans une société libre et démocratique. C’est le rempart contre le totalitarisme et la pensée unique. Si l’on décide désormais d’interdire des blagues de mauvais goût sur des personnes publiques ou encore sur des groupes ethniques identifiés, où se trouvera la limite? Sera-t-il possible à l’avenir de critiquer une religion comme le catholicisme ou la religion musulmane? Aura-t-on le droit de dire que l’Église catholique est un repère de pédophiles alors que la vaste majorité de ses membres ne le sont pas? Pourra-t-on critiquer un gouvernement qui défend le bien commun alors que s’attaquer à lui c’est faire fi de l’appui majoritaire en nombre?

La question de la défense de la liberté d’expression n’est pas une chose facile. Il est rare que l’on soit appelé à défendre des gens qui disent des choses correctement. Ce sont toujours des cas limites qui suscitent des débats. Néanmoins, il faut défendre le droit à la liberté d’expression toujours et tout le temps, même lorsque les propos qui sont tenus nous apparaissent déplacés. C’est le prix à payer pour vivre dans une démocratie où peut fleurir la diversité des opinions. Il y a des limites. Celles-ci sont tracées dans nos lois avec les dispositions du Code criminel sur les propos haineux.

Il faut soutenir la liberté d’expression. C’est un devoir dans une société libre et démocratique. De toute évidence, le texte des humoristes Nantel et Ward ne méritait pas la censure. Le plus inquiétant c’est que la fleur des fleurs de la réflexion éthique dans notre société s’occupera dorénavant de tracer la ligne entre le bon grain et l’ivraie : les agents d’assurance. Êtes-vous rassurés?

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