Ainsi fut Benoîte Groult
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Date: 30 juin 2016Auteur: Daniel Nadeau
Une grande icône du féminisme est décédée la semaine dernière. Benoîte Groult est morte dans son sommeil à l’âge de 96 ans le 20 juin dernier. J’ai lu à sa sortie son livre Ainsi soit-elle qui était un puissant pamphlet pour le droit des femmes, mais écrit dans une langue très accessible. Benoîte Groult avait le don de s’adresser à tout le monde et de rendre simple le droit des femmes, les questions de l’excision, la justice, la réciprocité et la violence faite aux femmes.
Celle qui se faisait la démiurge d’une femme libérée et égale à l’homme aimait profondément la vie et les plaisirs. Elle avait aussi le sens de la formule percutante. Elle a un jour déclaré que le féminisme n’a jamais tué personne alors que le machisme lui tue tous les jours. Benoîte Groult a su mobiliser les femmes et les hommes pour la cause des femmes. Grâce à elle, des millions de femmes dans le monde ont pris conscience de leurs conditions.
Il n’y a pas de doute possible, Benoîte Groult laisse un héritage important au monde et à la cause des femmes. Familière du Québec, Benoîte Groult admirait chez nous la libération rapide des femmes d’ici à l’emprise de l’Église ainsi que l’adoption prompte de la féminisation des titres : « Pour ce qui est de la féminisation des titres, le Québec était en avance, parce qu’on y avait été obligé de défendre la langue face au monde anglophone. La langue vit au Québec de manière beaucoup plus volontariste qu’en France, et notamment à l’Académie française, où l’on continue de dire “madame l’académicien”. » (Le Devoir, 22 juin 2016).
Benoîte Groult fut une battante et elle n’a jamais renoncé à son combat qui était totalement assimilé à celui de son sexe. Écoutons sa voix : « L’idée que mon honorabilité future, ma réussite en tant qu’être humain, passaient par l’obligation absolue de décrocher un mari, et un bon, a suffi de transformer la jolie petite fille que je vois sur mes photos d’enfant en une adolescente grisâtre et butée, affligée d’acné juvénile et de séborrhée, les pieds en dedans, le dos voûté et l’œil fuyant dès qu’apparaissait un représentant du sexe masculin. » (Le devoir loc. cit.)
Plus encore, Benoîte Groult n’a jamais compris que les hommes soient aussi acharnés sur les femmes : « Il est à peine croyable que, génération après génération, savant après philosophe, historien après écrivain, homme après homme en somme, la moitié masculine du genre humain se soit acharnée à prouver que l’Autre ne valait rien et ne méritait pas d’accéder à la dignité d’être humain. » (Le devoir loc. cit.)
Benoîte Groult conservait néanmoins espoir et son message constamment répété qu’elle nous lègue en héritage est le suivant : « Rien ne changera profondément aussi longtemps que ce sont les femmes elles-mêmes qui fourniront aux hommes les troupes d’appoint, aussi longtemps qu’elles seront leurs propres ennemies. » (Le devoir loc. cit.)
Lorsque l’on prend la peine de lire et d’entendre la voix de cette femme exceptionnelle que fut Benoîte Groult, on ne peut s’empêcher de se sentir féministe. D’ailleurs, Benoîte Groult cautionnait l’idée que les hommes puissent être féministes. Cela tranche avec certains débats que nous avons eus récemment au Québec où notre ministre de la condition féminine, Lise Thériault, disait ne pas être féministe. Elle n’a même pas su nommer Benoîte Groult comme modèle à l’époque. Cela manque à sa culture. Reposez en paix madame Groult!