La ballade du Saint-Sacrement de crucifix
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Date: 3 mars 2017Auteur: Daniel Nadeau
Le jeu de mots du titre est volontaire. Il y a de quoi invoquer les jurons en jeu de mots quand on voit avec quelle légèreté des responsables d’un hôpital jouent avec des concepts et des symboles hautement émotifs, surtout dans la ville de Québec au lendemain de l’attentat à la mosquée. Si les dirigeants de l’hôpital du Saint-Sacrement de Québec ont eu tort de jouer dans le film du crucifix retiré à la demande d’une personne, ils n’ont pas tort sur le fond. Une fois de plus, cette ballade du crucifix de l’hôpital du Saint-Sacrement fait la preuve de la démission de l’État québécois sur l’affirmation de la laïcité de l’État du Québec. Depuis la Révolution tranquille, la société québécoise s’est sécularisée, mais jamais le débat sur la laïcité de l’État n’a été fait.
Quand on a abordé cette question, c’est sous l’angle de notre position de repli à l’égard des autres religions, mais jamais de façon positive sur les avantages de vivre dans un État laïc. La dernière fois où le Québec a posé un geste positif de laïcisation, c’est dans la réforme des commissions scolaires qui sont devenues linguistiques plutôt que religieuses à l’initiative de la ministre de l’époque Pauline Marois.
Le refus de l’actuel premier ministre Couillard de régler une fois pour toutes la question de la laïcité en brandissant l’épouvantail de l’exclusion et de sa foi aux libertés individuelles mène à des dérives comme celle du crucifix de l’hôpital du Saint-Sacrement à Québec.
Il faudrait se faire une idée. Le Québec est un État laïc ou il ne l’est pas. Si nous sommes un État laïc, il n’y a nul besoin de retrouver des crucifix dans nos hôpitaux, dans nos écoles et au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale du Québec. Et que l’on ne vienne pas chercher à nous endormir avec la question du patrimoine. Si le crucifix à l’Assemblée nationale est un objet de patrimoine, qu’on le mette dans un coffret sous verre avec une notice explicative dans une place bien en vue à l’Assemblée nationale du Québec. Là, il serait vraiment un objet de notre patrimoine et non pas un symbole religieux déguisé en artefact patrimonial.
Au fond, le message qui est véhiculé par notre État c’est que nous nous disons laïc, mais nous sommes des catholiques romains. Par ces signaux, nous disons, nous catholiques romains refusons de nous appeler ainsi parce que nous ne respectons pas les préceptes de l’Église dans nos lois. Si nous sommes un État catholique romain, comme le laissent croire nos attitudes vis-à-vis des signes religieux catholiques romains, il faudrait assumer pleinement nos croyances. Si mon souvenir est bon, notre religion condamne le travail des femmes à l’extérieur du foyer, interdit la contraception, vilipende l’avortement et l’homosexualité ainsi que le travail le dimanche. Notre État catholique romain n’est pas en cheville avec les préceptes de son Église ou de son patrimoine. Si nous sommes un État laïc, comme nous le prétendons, nous devrions interdire les signes religieux dans les institutions communes comme les hôpitaux, les écoles et l’Assemblée nationale. Sans quoi, ce n’est que de l’hypocrisie.
Comment espérer que ceux qui choisissent de venir chez nous construire la société québécoise moderne et laïque comme nous le prêchons pourront nous comprendre devant tant de contradictions entre notre discours et nos actions? Il est temps que l’on en finisse avec ces foutus symboles religieux. Nous avions mieux à faire.