Perspectives linguistiques et liberté d’expression
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Date: 23 mars 2017Auteur: Daniel Nadeau
Andrew Potter, directeur de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill a présenté ses excuses, mardi, après que son texte dans la revue Maclean’s sur le « malaise » qui ronge la société québécoise eut été décrié par la classe politique québécoise.
Potter s’est excusé sur son compte Facebook en disant que son texte contenait une certaine rhétorique qui allait au-delà de ce qui était justifié par les faits. Monsieur Potter a écrit que le cafouillage entourant le déneigement de l’autoroute 13 est une conséquence de « l’absence de solidarité » de la société québécoise, qu’il qualifie de « pathologiquement aliénée ». Pas très heureux comme formule, il est facile d’en convenir. On pourrait même englober ce type d’écrits dans ce que l’on qualifie généralement de « Québec Bashing ». C’est inacceptable. Je suis d’accord.
Lisons ensemble un extrait du livre récemment publié de Maxime Blanchard, professeur de littérature française à la City University of New York intitulé « Le Québec n’existe pas » qui vient tout juste d’être publié aux Éditions Varia :
« Il voudrait que toutes les maudites fraîches à raouts de patronesses et que toutes les grébiches à surboums de bienfaitrices, qui dans les bals de charité se pactent la fraise en robes de guidounes de comptoir colonial, poussent de hauts cris scandalisés ; il voudrait que leurs mafieux de jars et de verrats de maris à varices, qui sucent monsieusement la cenne dans les conseils d’administration de la junte fédéraliste du protectorat bloke, le mettent en demeure. Il voudrait aussi que toutes les farfineurs du “socialisme” et que toutes les bavasseuses de “l’écologie”, que tous les licheux de balustre de la gaugauche gérante d’estrade qui se contrecâlissent de laisser élire la réaction impérialiste pourvu qu’ils puissent roucouler leur tolérance offusquée de toujours plus fins que les autres “qui n’ont pas voté pour ça” sur les ondes de la société de l’État lui lancent au cul les avocats corrompus de la sous-préfecture canadienne-française. Il voudrait encore que tous les p’tits Jos connaissants de l’université qui plastronnent avec leurs “approches” à coucher dehors, mais qui sont plus occupés à pogner les boules de leurs étudiantes qu’à réfléchir à l’acculturation québécoise, exigent de lui des excuses et lui demandent de se rétracter. »
Et plus loin : « … la gang de flancs-mous, de quétaines et de gros caves qui forment, des banlieues monotones de conformisme aux “régions” rabougries d’attardement, en passant par la capitale fulminante de bas instincts, le gros de cette “belle province” aboulique ne lisent pas de livre. De toute façon, aux ouvriers et aux paysans analphabètes d’autrefois se sont substituées le pâteux et le visqueux des classes dites “moyennes” qui “savent lire”, mais qui ne lisent rien. » (Maxime Blanchard, Le Québec n’existe pas », Montréal, Varia, 2017, p.7-8).
Question. Ces propos sont-ils plus ou moins acceptables que ceux tenus par Andrew Potter dans la revue Maclean’s? Pourtant, le journaliste du journal Le Devoir Fabien Deglise qui a signé un reportage sur ce livre qui ne dénotait pas d’indignation. Comprenez-moi bien, je ne dis pas qu’il fallait être indigné du texte de Maxime Blanchard. Je reconnais dans ce livre une prose de combat et une volonté de faire naître un certain Québec. Un destin souhaité et partagé par au moins 30 % sinon 40 % de mes compatriotes. Je trouve néanmoins que l’on a la mèche courte avec des propos beaucoup moins incendiaires tenus par des auteurs anglophones dans des médias anglophones canadiens. À tout le moins, reconnaissons que la dénonciation des membres de notre honorable assemblée nationale semble témoigner d’un biais lié aux perspectives linguistiques. Aujourd’hui c’est un texte malheureux qui est dénoncé, hier c’était une caricature inappropriée, demain sera fait de quoi pour celles et ceux qui croient à la liberté d’expression…