Être Québécois et se souvenir
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Date: 27 avril 2017Auteur: Daniel Nadeau
J’ai beaucoup de respect pour l’historien Yvan Lamonde. Yvan Lamonde a consacré 45 ans de sa vie à la recherche et à la découverte de qui nous sommes, nous les Québécois, au travers notre histoire. Il a été l’historien qui a exploré tous les méandres de nos consciences et a cherché dans une histoire culturelle et une histoire intellectuelle à mieux saisir la psyché québécoise.
Historien exemplaire, dans ces travaux historiques Lamonde s’est bien gardé de se lancer dans de grandes interprétations qui n’étaient pas appuyées sur les faits. En février dernier, il a écrit un essai intitulé : Un coin dans la mémoire. L’hiver de notre mécontentement publié chez Leméac. Dans cet essai, Yvan Lamonde explore le passé québécois en cherchant à le situer pour mieux nous aider à nous comprendre nous-même : « J’ai considéré cette façon d’être comme une force. Pour moi, historien, écouter et lire des textes anciens relève de la même attitude : entendre la voix des morts, non pour les morts, mais pour la voix et pour ce qu’elle dit » (Yvan Lamonde, Un coin dans la mémoire. L’hiver de notre mécontentement, Montréal, Leméac, 2016, p. 10).
Sans faire notre psychanalyse, Lamonde déteste de son propre aveu la psychologie collective à cinq sous : « Le Québécois dans son histoire est devenu, pour moi, un Québécois sur le divan. Mais on ne parle pas de ces choses ni de cette manière, et je suis le premier à détester la fausse explication d’une psychologie collective à cinq sous. Et puis il y a peu de choses aussi peu scientifiques que la psychologie collective. » (Yvan Lamonde, Ibid. p. 11)
Ce qui n’empêche pas Yvan Lamonde dans cet essai d’une grande perspicacité de sonder l’âme et le cœur des Québécois par une question d’où venons-nous intellectuellement et affectivement? (Yvan Lamonde, p. 10-11) L’historien répond à cette question en se fondant sur des marqueurs de notre histoire qui sont comme des nœuds, des traumas non résolus qui se sont traduits par la division, l’impuissance, l’inachèvement, la défaite, la pauvreté, l’ambivalence et la fatigue culturelle.
Le Québec peine à se reconnaître et à exister parce que divisé entre lui-même, il ne peut s’admettre les conséquences de ses nombreuses défaites et cherche refuge dans l’ambivalence. Yvan Lamonde croit, suivant en cela le philosophe Daniel Jacques, que le Politique est le premier nœud à dénouer pour que l’on puisse, contrairement à ce qu’en disait le sociologue Fernand Dumont, se donner un véritable horizon culturel à nous. Un horizon culturel qui nous permettrait de vaincre la fatigue et l’essoufflement de notre identité mal-affirmée.
Un essai puissant, riche en réflexions et qui pose plus de questions qu’il offre de réponses. C’est pourquoi cet essai est un incontournable à lire pour quiconque s’intéresse au Québec et à son avenir.