Costco ou la fin des illusions
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Date: 15 mai 2017Auteur: Daniel Nadeau
C’est l’ancien premier ministre René Lévesque qui a déclaré un jour que l’important pour un homme politique c’est de garder le cap sur ses objectifs. De mémoire, il a un jour déclaré que l’important en politique c’était de garder le cap sur son idéal tout en perdant ses illusions. Pour cet homme politique plus grand que nature, les partis politiques étaient un mal nécessaire : « Pour moi, tout parti politique n’est au fond qu’un mal nécessaire, un de ces instruments dont une société démocratique a besoin lorsque vient le moment de déléguer à des élus la responsabilité de ses intérêts collectifs. Mais les partis appelés à durer vieillissent généralement assez mal. Ils ont tendance à se transformer en églises laïques hors desquelles point de salut et peuvent se montrer franchement insupportables. À la longue, les idées se sclérosent et c’est l’opportunisme politicien qui les remplace. » (René Lévesque « Attendez que je me rappelle » Montréal, Québec-Amérique, 2007, 608 p.)
Le maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny, à l’aube d’une nouvelle campagne électorale doit lire cette citation de René Lévesque avec intérêt. Le conseil municipal s’apprête à autoriser la réalisation d’un projet du géant américain Costco sur le site du Plateau Saint-Joseph. Heureux citoyens que nous sommes, Costco contribuera à faire baisser le prix de l’essence à Sherbrooke puisque le nouveau magasin offrira de l’essence à bas prix aux automobilistes de notre ville.
Dans la grande cérémonie de la vie quotidienne, la relocalisation d’une grande surface commerciale ne devrait pas faire l’objet de grands débats politiques sur la scène municipale. Pourtant, le dossier de la relocalisation du Costco est dans une classe à part. Voici pourquoi.
Le maire Sévigny a été élu à la suite d’un cycle politique où il est devenu l’opposition du maire Jean Perrault avec ses collègues Diane Délisle et Robert Pouliot. Cette prise de position s’est surtout fondée sur l’opposition de monsieur Sévigny et de ses collègues au plan d’urbanisme présenté par le maire Perrault et le président du comité d’urbanisme du temps, le conseiller Serge Paquin. Cette position de Bernard Sévigny et de ses collègues touchait particulièrement l’opposition de ces élus au Plateau Saint-Joseph notamment contre tout agrandissement du périmètre d’urbanisation de ce haut lieu de commerce de Sherbrooke.
L’enjeu du Plateau Saint-Joseph a été majeur dans l’opposition du citoyen Thierry Nootens à l’adoption de ce plan d’urbanisme. Ma firme avait été impliquée dans ce dossier puisque nos services professionnels avaient été retenus pour faire les communications de la campagne référendaire pour le Oui. Nous avons perdu le référendum même si nous avons gagné la campagne de communication. Le rôle à l’époque de Bernard Sévigny et de ses collègues Délisle et Pouliot avait été important dans cette défaite. On peut même dire que l’opposition du Renouveau sherbrookois à l’agrandissement du périmètre du Plateau Saint-Joseph et au plan d’urbanisme lui a donné l’allant nécessaire à son élection comme maire de Sherbrooke.
En 2017, le maire Sévigny et le conseil municipal s’apprêtent à célébrer la relocalisation du Costco après avoir fait voter un nouveau schéma d’aménagement permettant la réalisation de ce projet. L’enjeu de l’agrandissement de ce périmètre est-il nécessaire à la suite du succès de ce site de localisation? Non. Non seulement le site du Plateau Saint-Joseph n’a jamais réalisé les promesses investies en lui, mais en plus on a rétréci l’espace en y logeant le centre de foires au détriment d’un meilleur site dans l’est de la ville. Je n’ai aucun doute sur le résultat des réflexions futures du comité d’urbanisme de la ville ni du conseil municipal sur le sort réservé à ce projet de relocalisation du Costco. Est-ce un drame pour l’aménagement urbain? Non. Clairement. Le seul drame que je peux y voir c’est qu’un parti politique dont l’ADN était marqué par son opposition au site du Plateau soit aujourd’hui le fer de lance de son expansion.
En ce sens, il était pertinent de rappeler la citation de René Lévesque et de dire qu’en politique la fin des illusions n’est jamais loin de la sclérose des idées et de l’opportunisme politicien…