La figure de l’intolérance : Doug Ford
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Date: 12 mars 2018Auteur: Daniel Nadeau
Qui a dit que l’actualité politique n’avait pas de traction dans le monde des idées? Non seulement l’actualité politique est en constant dialogue avec le monde de la réflexion théorique, mais parfois ces deux mondes sont au diapason. L’exemple le plus éloquent est l’élection de Doug Ford à la tête du Parti conservateur de l’Ontario hier et la parution récente du dossier Avec ou contre nous de la revue Liberté dans son numéro de mars 2018.
Dans ce dossier, les auteurs s’intéressent au phénomène des figures qui marquent l’opinion publique en se transformant en épouvantail ou en repoussoir. L’idée de proposer un tel dossier nous disent les auteurs est venue d’un constat simple : « Quelques mois après l’élection de Donald Trump, au terme d’une campagne électorale ubuesque, et celle d’Emmanuel Macron, soutenue par de larges pans de la gauche cherchant à barrer la voie à Marine Le Pen, l’idée du dossier de ce numéro surgissait lors d’une rencontre du comité éditorial de Liberté. » (Comité éditorial, Avec ou contre nous, revue Liberté, no 319, mars 2018, p. 16) Naissait ainsi une réflexion autour de plusieurs figures comme celles de Trump, Le Pen et Harper qui canalisent la haine et font figure d’épouvantails dans l’opinion publique.
Personne ne sera étonné que l’on ait aussi retenu la figure du commentateur de hockey Don Cherry. Ce dernier est considéré comme un « Personnage populaire, mais hautement polarisant et controversé, il est considéré comme opiniâtre et entêté, comme un bouffon générateur de scandales et une honte nationale, alors que de l’autre on le proclame maître du sens commun qui mériterait la médaille de l’Ordre du Canada. » (Anouk Bélanger et Bachir Sirois-Moumni, L’archidiacre populiste du patriotisme canadien. Don cherry, baromètre de l’intolérance, trois minutes et demie par semaine, revue Liberté, no 319, mars 2018, p. 31).
L’élection de Doug Ford à la tête du Parti conservateur de l’Ontario, le faisant du même coup un sérieux prétendant au poste de premier ministre de cette grande province canadienne, vient de faire resurgir une figure d’intolérance dans la sphère politique publique canadienne. À ne point douter, Doug Ford sera confrontant pour plusieurs. À l’image de Don Cherry, Doug Ford incarne une figure bien campée « dans une dualité simplifiée et simplifiant les discussions et débats sur l’identité canadienne, sur divers rapports sociaux… les questions de relations de genre et de sexe, les enjeux complexes de l’immigration, la reconfiguration des identités et l’histoire du patriotisme canadien… » (loc. cit.)
Il est évident que Doug Ford amènera une nouvelle dynamique dans le discours politique canadien et il sera à brève échéance une autre de ces figures publiques polarisantes dans l’espace public canadien. La lecture du dossier Avec ou contre nous de la revue Liberté n’en a que plus d’intérêt.