Les grandes figures oubliées de l’espace public québécois
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Date: 27 mars 2018Auteur: Daniel Nadeau
Rodolphe Lemieux
On connait mal le 20e siècle canadien. Certes, les plus avertis citeront le nom de Wilfrid Laurier, ce grand premier ministre canadien d’origine canadienne-française. D’autres rappelleront le grand siècle du libéralisme politique. Pourtant, le 20e siècle canadien, qui fut la grande époque du libéralisme canadien à la Laurier, a beaucoup à voir avec le 19e siècle qui a vu la naissance du Canada en 1867 ainsi que l’opposition de nombreux Canadiens français, des libéraux, à la Confédération afin de préserver la nature distincte du Québec. Parmi ces héritiers libéraux au 20e siècle, il y a Rodolphe Lemieux.
Rodolphe Lemieux est né le 1er novembre 1866. Avocat, journaliste et professeur, il fut député et ministre dans le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier. L’action politique de Rodolphe Lemieux s’inscrit dans le libéralisme canadien de l’époque et il était en lien avec Lomer Gouin et Honoré Mercier. Tour à tour, solliciteur général, ministre du Travail, ministre des Postes, ministre de la Marine et Président de la Chambre.
Rodolphe Lemieux fut aussi l’envoyé du gouvernement canadien en 1907 au Japon dans le sillage de l’émeute antiasiatique à Vancouver en 1907. C’est ce voyage que raconte l’historien René Castonguay dans son récent essai sur Rodolphe Lemieux, un diplomate en voyage au Japon, paru chez Septentrion en 2018. Intitulé Un diplomate à la découverte du Japon. Le voyage de Rodolphe Lemieux, 1907, l’essai de René Castonguay nous raconte la découverte du Japon par Rodolphe Lemieux. Il est impressionné par la culture nipponne où il découvre notamment le poisson cru.
Moins anecdotique, Rodolphe Lemieux par ce voyage, contribue à une « crise diplomatique ». À cette époque, les relations internationales sont la responsabilité de l’Empire britannique. Le Canada n’avait pas encore son statut de pays indépendant. Ce voyage a provoqué l’ire tant de Tokyo que de Londres comme nous le raconte René Castonguay. « Au début du XXe siècle, le Canada est aux prises avec un flux de migrants japonais. Qui sont ces gens issus d’une société alors méconnue? Pourquoi viennent-ils en si grand nombre? En 1907, le premier ministre Wilfrid Laurier décide d’envoyer son homme de confiance, le diplomate Rodolphe Lemieux, pour éclaircir ces mystères. » (René Castonguay, Un diplomate à la découverte du Japon. Le voyage de Rodolphe Lemieux, 1907, Québec, Septentrion, 2018, 160 p.)
Dans le livre de René Castonguay, « nous pouvons suivre, pas à pas, Rodolphe Lemieux qui prend contact avec une société et une culture dont il ne sait pratiquement rien, comme la plupart de ses contemporains. Pendant son voyage, il fera preuve d’une ouverture d’esprit intéressante, certes teintée d’un jugement occidental et chrétien sur la société japonaise, mais aussi d’un sens de l’humour devant ses découvertes qu’il transmet dans sa correspondance. »
Cela n’a pas empêché Rodolphe Lemieux de promouvoir auprès de Wilfrid Laurier des relations canado-nippones notamment la signature d’une entente en matière d’immigration et surtout l’importance de traiter le Japon comme une « nation civilisée ».
Rodolphe Lemieux était un fervent défenseur de l’idée d’une plus grande place du Canada dans les affaires internationales contrairement aux positions des adversaires conservateurs du libéralisme politique à la même époque.
Un livre passionnant pour en apprendre davantage sur le Canada du 20e siècle.
Rodolphe Lemieux sera élu président de la société royale du Canada en 1918. Il sera récipiendaire de la Légion d’honneur en 1925 et sera nommé sénateur en 1930. Il rendra l’âme le 28 septembre 1937 à l’âge de 70 ans.