Idées reçues
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Date: 11 septembre 2018Auteur: Daniel Nadeau
Les discours politiques sont souvent porteurs d’idées reçues. Dans l’actuelle campagne électorale par exemple, plusieurs se réclament de l’ex-premier ministre René Lévesque et même de Robert Bourassa. On plaide à leur mémoire pour témoigner de la pertinence des gestes que l’on veut poser et des idées que l’on propose aux électeurs. Ça fait partie du jeu politique.
S’il y a un personnage de notre histoire politique duquel personne ne se réclamera c’est bien l’ancien premier ministre Maurice Le Noblet Duplessis. L’homme de la grande noirceur. Il faut dire cependant que les historiens ont une opinion moins unanime et moins tranchée sur ce personnage géant de l’histoire politique au Québec. Une certaine historiographie aime bien dire que sous Duplessis tout ne fut pas aussi noir que l’on veut bien le raconter. Parlant de la Révolution tranquille qui ne fut pas une vraie révolution, mais plutôt une modernisation accélérée de la société québécoise, plusieurs voix tendent à vouloir démontrer que tout n’a pas débuté avec le gouvernement de Jean Lesage, mais avant sous le régime maudit du duplessisme.
Il faut dire que Duplessis n’était pas le plus grand des démocrates. Il n’a jamais hésité à se servir de son pouvoir de législateur pour faire des Lois rétroactives contre des ennemis politiques, ni de se servir du pouvoir exécutif que lui conférait le titre de premier ministre pour avantager ses amis et l’Église catholique. Plus encore, il a usé de ce pouvoir pour maintenir les travailleuses et les travailleurs ainsi que leur organisation dans une situation de dépendance envers le patronat et leurs entreprises. Tout cela est l’objet des débats historiques entre historiens sur cette période de l’histoire politique contemporaine.
Si j’évoque cela aujourd’hui c’est qu’un jeune historien talentueux de l’histoire des idées et de l’histoire politique, Jonathan Livernois, vient de publier aux Éditions du Boréal un livre fort édifiant sur l’histoire du duplessisme. Non seulement nous rappelle-t-il dans ce livre les faits marquants de Duplessis et du Québec de ces années, mais il situe aussi son propos dans une perspective historiographique. Cela permet aux lecteurs que nous sommes de mieux comprendre à la fois les tentatives de réhabilitation de Duplessis dans notre histoire, mais aussi les excellentes raisons pour ne pas changer du tout au tout les perspectives dominantes de notre discours historiographique à ce sujet. Jonathan Livernois n’hésite pas à prendre position dans le débat. C’est rafraîchissant de lire un auteur qui n’était pas né en 1960 et qui nous donne son avis d’historien engagé sur ce personnage qui n’a pas fini de susciter des débats dans notre tentative de mieux comprendre notre histoire politique. Je recommande fortement la lecture de ce petit livre qui se lit comme un roman. En cette période électorale, cela permettra de relativiser le jugement sévère que l’on porte sur nos femmes et nos hommes politiques en lutte en ce moment.
Jonathan Livernois, La révolution dans l’ordre, Montréal, Éditions du Boréal, 2018, 248 p.