L’espace public revu et corrigé !
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Date: 28 avril 2020Auteur: Daniel Nadeau
Bernard Miège publie en 2010 un livre aux Presses universitaires de Grenoble sur l’espace public. Miège est un chercheur en science de l’information et de la communication. Il a été président à l’Université de Grenoble de 1989 à 1994 pour y devenir par la suite professeur émérite. Selon la page Wikipédia qui lui est consacrée, Bernard Miège est connu pour ses travaux sur les médias, les industries culturelles et sur l’espace public. Il a été cofondateur avec Yves de La Haye du Groupe de recherche sur les enjeux de la communication. Il a publié une quinzaine de livres, une trentaine d’études et de rapports et a dirigé plus de 105 thèses de doctorat. On peut dire que c’est un personnage important dans le paysage intellectuel français dans le champ de la communication et de l’information. Le livre que nous lisons dans le cadre du présent exercice est présenté par son auteur comme la somme de son œuvre sur l’espace public contemporain auquel il a consacré de nombreux articles et ouvrages depuis les années 1990. (p. 7)
Ce livre traite des fondements théoriques de l’espace public et de ses modalités de fonctionnement. Une question que Miège juge essentielle lorsqu’il est question de la publicisation, de la mise en visibilité sociale et de la médiatisation. Quatre enjeux majeurs sont en question : les rapports entre démocratie, politique et société ; l’enjeu de la forme que revêt l’espace public dans une relation de tension entre son caractère universel et les contours nationaux des États-nations où il se déploie ; l’enjeu des médias lui-même comme vecteurs du discours public et l’enjeu des mutations sociotechniques en cours qui viennent moduler l’accessibilité des acteurs à l’espace public. (p. 8-9)
Miège se propose donc d’examiner dans ce livre la contextualisation de l’espace public dans un cadre politique, culturel, sociétal et économique. C’est ce cadre complexe qui sera décisif pour l’auteur pour comprendre l’espace public contemporain. Dans son livre, l’auteur abordera le sujet de l’espace public contemporain en sept chapitres ; les repères socio-historiques et géopolitiques ; examen des thèses habermassiennes, les discussions et les débats centraux au concept d’espace public ; la médiation de l’espace public ; la question des médias et des nouveaux médias et des non-médias ; les cadres contemporains de l’espace public et enfin les dimensions sociétales et politiques de l’espace public.
Tout l’ouvrage se situe dans la filiation de la pensée d’Habermas sur le concept d’espace public, mais en dialogue avec de nombreux critiques
Miège se situant dans l’héritage d’Habermas revoit et critique son modèle d’espace public en regard du fait que celui-ci revêt les formes de la société où il se déploie. Il attribue à l’espace public contemporain des caractéristiques essentielles qui sont : « L’asymétrie ; l’apparition de nouvelles modalités d’exercice des interactions sociales ; l’éclatement et le morcellement des espaces ; l’inégalité de participation aux espaces publics ; l’interpénétration relative de la vie privative et de la vie professionnelle ; et la tendance à l’individualisation des pratiques communicationnelles. » (p.172) Miège tout comme Dahlgren reconnait la configuration de l’espace public contemporain qui n’est pas un modèle universel, mais qui se formalise selon les lieux par des dimensions structurantes : « les médias en tant qu’institutions ; les représentations symboliques et rhétoriques produites par les médias ; les structurations sociales et les interactions sociales subjectives et identitaires. » (p.173)
Au terme de sa réflexion, Miège en tire trois enseignements : le premier c’est sa conviction que l’espace public contemporain ne doit pas échapper à une réflexion épistémologique ou herméneutique (Foucault) et à des recherches dans le cadre de sciences sociales et de ses moyens d’investigation et d’enquête. En second lieu, il est d’avis que l’espace public est une construction sociale d’abord à cause des formes par lesquels il se réalise et par ses vecteurs principaux par lesquels il se déploie soit les systèmes des médias qui servent de vecteurs à l’expression des opinions et qui en balisent l’accessibilité aux différents groupes sociaux et enfin, en dernier lieu, de l’importance primordiale de la communication pour sa réalisation : « En troisième et dernier lieu, on mettra l’accent sur le fait que l’EP, tel qu’il s’offre à voir dans les sociétés contemporaines et particulièrement dans ses développements les plus récents, est une des composantes (premières) de la communication moderne, c’est-à-dire de l’information – communication. Mais cette proposition que j’ai cherché à valider tout au long de cet ouvrage, doit être précisée : 1o elle suppose de ne pas mêler les procès info-communicationnels à l’œuvre au sein de l’EP avec ceux marquant les médiations ou la communication publique (avec qui ils sont régulièrement confondus) ; 2o elle implique de ne pas être sous-tendue par une vision instrumentale des médias et de la communication, ce que j’ai envisagé tout particulièrement dans les analyses portant sur le système des médias, sur le rôle des TIC, etc. ; 3o elle peut être tenue pour une dimension transversale, mais partielle permettant d’appréhender le sociétal et le politique ; et 4o elle éclaire l’importance accordée par des acteurs sociaux dans la dernière période et dans des contextes socio-historiques et socio-politiques différents, à des phénomènes tels que : les processus communicatifs délibératifs, l’émergence des Tic, la création des communautés sur le Net voire a contrario les méthodes de plus en plus raffinées et peu transparentes de la communication politique, ainsi que de la communication publique. » (p. 209)